À l’entour

Je n’ai pas réfléchi sur l’endroit où j’allais. Et j’ai vu des roses brûlées, flétries par l’intense chaleur. Et combien et pourtant encore belles à mes yeux. J’ai éprouvé, c’est tout. De toute manière, depuis toujours, tout m’apparaît si impossible. La brûlure est un souffle. Dans l’instant déjà loin. Pour ce qui est de l’ange, ses ailes ont perdu en lourdeur. Quand la mort arrache la vie, elle prend aussi l’épuisement.

Photo : LES BEAUX INSTANTS D’ÉTÉ – Juin 2025 * Montréal

Carnem

On a ri longtemps dans mon rêve. On se racontait des histoires. De chair et de musique. Et ça montait jusqu’à la nuque, jusqu’au visage et à la langue.

Je sors du lit. J’y vais voir le vent dans les feuilles et les entends dire qu’il est chaud. Par le même penchant de mon âme, amoureuse des mots.

Ce matin dans cette grande maison aux fenêtres fermées, au bord de la vitre, une fleur de violette se tend sans refaire le monde.

Photo : LES DIAMANTS D’ÂME – Hier * Montréal

Plexus Days

Il était une fois, il y a de plus en plus longtemps. Une histoire d’oiseaux morts sur trop de jours de suite. Une fente au coeur du tableau. Ne rien vouloir est une rivière. Je pense à Estelle et Alice, assises au troisième rang. À ce qu’elles se disaient peut-être sur les nerfs solaires et le déchirement. 

Ce matin comme hier, on laisse entrer l’air frais avant de l’enfermer. Il a bien plu et puis le vent. Il fera chaud dans quelques jours, plus chaud que supportable. Anne dit qu’elle ne se lancera qu’à l’aube et le soir avancé. Ma chair s’en tire mieux, j’irai sentir des roses en plein milieu du jour. Et goûter la brûlure.

Photo : LE CHARME DES FROISSURES – Hier * Montréal

Recurrens

La rivière d’avance. Et derrière mon épaule, les mésanges dans la vigne. Et l’abreuvoir bleu de ma soeur qui ne perd pas une seule seconde. Puis encore le monde. Même si on sait pour la beauté. L’eau qui tremble et ne tremble pas. Et pourtant et quand même. Les stupeurs et silencements. Les vagues qui noyaient déjà, longtemps avant Crésus, le même percentile. En blanches déferlantes.

Le transplanté a belle mine. Il est petit et sans défense, sinon la terre qui le retient. J’en prends bien soin, du moins je pense. Et les ténèbres restent douces à l’ombre du bouleau.

Photo : TROIS ÂMES – Juin 2025 * Montréal

Urgoli (superbia)

La lumière tremble. L’été se réinvente. Je peux enfin m’assoir dehors pieds nus à écrire. 

– J’ai l’instant fatidique, dit Laure.
– Tu penses trop, rétorque Maude. Arrête avec tes fables. Y a qu’à s’approcher d’une rose, d’un héron dans la pierre et des cormorans qui s’endorment dans le bers d’une pivoine pour voir que notre intelligence y reste bien superficielle. Pour ne pas dire artificielle. 

C’est S qui m’a montré les oisillons au creux des fleurs. Les dessinateurs s’inspirent, même les plus célestes. 

Photo : SANS AURÉLIA – Juin 2025 * Montréal

Lux (discernere)

Il s’appelait Luc. J’avais seize ans. Ou peut-être dix-sept. Et lui quelques années de plus. On allait dans une chambre à l’hôtel Nelson. Une chambre comme déjà dans mes rêves, une chambre d’écrivain. Avec la petite table, contre le mur à droite. Je vois aussi le lit. Et la fenêtre qui donnait sur la place Jacques-Cartier. Je ne me rappelle pas si on faisait chaque fois l’amour. Mais je me souviens qu’on marchait, longtemps, dans les vieilles rues près du fleuve. Je ne l’aurais pas dit à l’époque, mais là que j’y repense, j’ai cette intime certitude qu’il voyait qui j’étais mieux que je me voyais moi-même. Je revois son regard tranquille. Ses cheveux un peu longs attachés en arrière. Il était beau et taciturne, un des beaux hommes que j’ai connus, peut-être le plus beau.



Photo : DEUX ÂMES – Juin 2025 * Montréal

Dulcor

Envie de fermer la fenêtre. Le vent est froid sur mes orteils.
   Les arbres ne se plaignent pas, se plaignent-ils jamais. Cependant que le monde vaque à ses grandes affaires, on peut toujours se demander à qui incombe la douceur.
   Le soleil va et vient. Sans grande certitude on dirait. Je sympathise, évidemment. 

Photo : LA BEAUTÉ DES ORAGES – Juin 2025 * Montréal

Confundere

la pluie
entendue longtemps dans la nuit
et ce matin, la longue branche du rosier
affalée sur la chaise

le jour où tu as vu un ange
t’as voulu être un ange

ton propre mépris te confond

ne supporterais-tu au fond
que la seule beauté

le ciel est gris
et le vent fait trembler l’image

est-ce que par la fenêtre les érables te voient

Photo : LE TEMPS – Juin 2025 * Montréal

Seranus

le jour serait le jour
on le savait déjà plein de sales histoires

il n’était pas question d’exploit
simplement d’un banc où s’assoir
en attendant le bus

Photo : DOUCEMENT LES HEURES – Juin 2025 * Montréal

Pertusiare

J’ai trouvé tes mots dans la nuit, juste avant de dormir. Je les ai relus en pleurant. Et ce matin, l’oreille collée aux mirages, je relis les miens de la veille.

Il y a eu ce désir de me fondre dans l’eau. Ce désir d’être confondue, de n’être qu’un mince sillon, un rayon de silence.
Et puis les rustres sont partis. Sauf pour le mauve des pervenches, tout était redevenu vert et rien ne bougeait plus. La percée se ferait tranquille, loin des regards et des feux.

De toutes ces années, c’est la première fois qu’on me dit – qu’on trouve cette porte belle. Si c’est pas la vie qui me rêve, alors je te réponds : je ne sais vraiment rien de rien.

En attendant n’est-ce pas – que tu n’iras nulle part. Je lis tes mots encore pour au moins la septième fois.

Photo : ET D’ENTRE MES NUITS FRAGMENTÉES – Juin 2025* Montréal

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