Ces lettres mortes

Où donc va-t-on se rendre –
au mois d’août ou ailleurs ?

y a eu la fois
sur la côte virginienne
dans le creux d’un tournant

tu le savais
mais je ne t’en ai pas voulu –
d’autant qu’on a rejoint le jour
sans grande égratignure

puis c’est devenu lettre morte
on contourne l’histoire
comme ce matin, quand on a viré sur l’automne

penses-tu qu’on y sera encore après l’effort à rendre beau –
comme dans les photos de Marie?

Photo : LE BAISER DE LA BÊTE – Laurentides * Juillet 2022

Poteau de sauge

Te dire le brûlant de l’eau froide et le silence du bruit.
Quand plus rien n’y est attendu.

Mon dos se tend, détourné.
D’un trop d’oiseaux qui s’échouent.

C’est un ciel étalé de son bleu le plus noir
et tout le poids des noces dans un revers du vent.
Mais l’oeil qui reste, devant tout l’indécent,
aussi libre que l’herbe.

Ça ira, me dit-elle.
C’est dire sans ambages la mort qui nous défend.
Et tous les instants d’un poème.

Photo : D’Y ÉPOUSER NOS MONDES – Laurentides – Juillet 2022

Revenir sans tomber

C’était l’astuce, tu m’as dit.
Et tout ça dans le désordre.
Jusqu’à s’inventer des histoires à ne pas mourir.
Et le quartier, et ses fleurs partout.
Même si le monde y tourne un peu carré.
Et les débordements, sans les appels urgents.

Quand t’arriveras, tu stationneras devant.
J’ai mis une fausse pancarte, je suis pas la seule à le faire.
On verra pour la suite.

Et je t’inviterai à souper quand tout sera fini.
Tu toucheras le miracle. Le sommeil, l’amour, et le reste.
Et lui, et ses paumes d’ange.

Photo : LE COURANT D’UN MATIN – Juillet 2022

La peau du monde

bien sûr c’était toujours
d’y aller sans penser
et ça où qu’aller soit

en attendant, je pense
tellement que la rivière
et mon coeur

reste, j’entends
ne t’en va pas
j’y serai longtemps
et encore
comme l’eau des vents
sur la peau du monde

surtout que d’y aller sans penser
s’en va trop vite

Photo : EN PARTANT DE L’INSTANT – Juillet 2022

La désamorce

Il semble que je sois une bête d’habitudes.
Comme là, chaque jour depuis que je suis ici,
d’aller vers la rivière dès que je sors du lit.
En ville, bien sûr, c’est d’écrire et marcher.

Le ciel et les vents changent.

Et je ris de moi-même. De ce geste amorcé
que je remets encore. Mais ma mère le savait.
C’est ton coeur caravane, disait-elle.
Et les parfums du sable.

Photo : PORTRAIT SUR FEUILLE DE RÉSINE- Juillet 2022

Porter de l’ombre


d’y trouver au matin un parfum de rivière
et l’écho d’une histoire –
celle que tu demandais et qui parlait du vent
où le jour s’enlisait dans les sables du soir

tu m’as dit porte-moi un peu d’ombre
c’est vrai pour la lourdeur quand on la chante ensemble
qu’il devient plus facile de s’endormir tranquilles
dans ces lits que les saisons dessinent

Photo : LE COURS DU TEMPS – Laurentides * Juillet 2022

Les matins d’Alice

le chat a refait le tour de la chaise

tu n’as jamais trop su d’où arrivait l’amour
ni quand il le faisait – mais la rivière en bas

dis-moi, Alice
à quoi pensais-tu dans tes lieux de silence –
le comptoir à tes hanches
les enfants dans tes jupes et ta tête –
au travers des échos sur l’asphalte,
est-ce que tu entendais
le roulement de l’eau?

si tu étais là je te demanderais
où fuyais-tu dans tes matins du monde?

Photo : LE PIGEON – Laurentides * Juillet 2022

De murs et d’eau vague

encore une aube où j’aurai vu
la nuit s’en aller comme un noir d’hirondelle
et le premier rayon sur les feuilles mouillées

tu es là mon eau vague
et je te reconnais même dans tes habits d’or
quand tu me ramènes à ce lit de rivière
où je n’avais rien
que mon canot de bohème

il est léger le temps du vivre sans vouloir
d’où rien ne peut tomber que les murs d’un poème

va falloir s’aimer fort, qu’on s’est dit

·


Photo : UNE ERRE D’ALLER – Montréal * Juillet 2022

Le vent sans rien

il est long le trottoir
à connaître par coeur

j’y vois la rive du fleuve
et la troupe d’acteurs qui y venait l’été –
dans le temps où septembre n’arrivait pas trop vite
on n’y pensait même pas, ni aux fenêtres sales
ni au cheval lointain

pour mon écharpe oubliée là
tu peux la donner à Manon, elle la trouve belle

et pour la suite
je vais laisser venir

Photo : NOIR DE CHAMP ET DE VENT * Petite Nation – Juillet 2022
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