Éparsitudes

C’est vrai que je vis en retrait, dit la femme.
Et la fillette qui se penche comme si de rien n’était.

Même point de rendez-vous dans la chaleur humide.
Certaine que c’était A. qui s’approchait de moi,
j’ai envoyé la main à une belle étrangère.
Même sans mes lunettes, j’ai pu voir son sourire.

Et là je t’offrirais de gros bouquets de temps.
Les yeux ouverts, sur un champ de mûres mouillées.

Un oiseau passe. Et un autre.

Nuit. Cuisine. Ce même ronron du frigo. 
Trois heures vingt-six et je bâille.

J’erre alentour de la cassure dans les fendillements.
Le chaos qui reste fidèle et l’art qui m’aide à vivre.
Le rêve d’une vie nue, débarrassée du lourd.
À chaque instant du temps, ce qui vient et s’éloigne.
Le vent comme l’amour.

Et l’aube sur mon café vers celle qui n’est plus là.

Photo : FEMME SUR BANC – Hier * Jardin botanique

Capitaine mystère

Marche avec moi. J’aime te sentir là, quelque part pas loin. Dans la lumière qui s’immisce, celle du jour au coeur de l’ombre.

La ville porte nos âmes comme des rubans dorés. On flotte au coeur du monde sans avoir rien payé. Un voyage sans capitaine autre que le mystère.

Alors qu’on me laisse vaguer, me laisse divaguer. Qu’un peu j’ouvre les yeux avant que le temps me soit pris.

Tous ces millénaires à se faire sans l’aide de personne.

On ne fera jamais mieux que les feuilles et le vent.

Photo : UN MORCEAU D’OCÉAN – Hier * Montréal

Ô mon réveil perdu

midi cinquante-trois
sortie m’acheter du chocolat, écrit-elle

et le vieil homme sur la toile
apparu soudainement
et les voisins
qu’on endure mal
histoire d’années et de bruit
la ville qui parle

la poésie? je n’en sais rien
alors j’en dirai surtout rien
sinon peut-être qu’elle prend forme
ou pas
naît et serait ou pourrait être
ni plus ni moins que l’arbre
et le nuage
et sans ou avec
préconception le fruit
d’un geste
ou pas
toutes importances confondues

Et la faille qui s’agrandit.
Si tu voyais la perfection de l’orchidée ce matin, de la lumière qui l’enveloppe, celle du soleil qui entre de côté par la fenêtre de la cuisine. Le plaisir qu’elles me font en n’y faisant que ce qu’elles font. S’il fallait qu’elles mesurent et pèsent, ô mon réveil perdu.

Photo : PORTANCES D’UN JOUR – Août 2021 * Montréal

La cigale

Et la mienne de lourdeur, dans cette chaleur que j’aime.

On a pris une nuit au mot, pensant qu’elle en disait plus long que tous les temps mis ensemble et tous les mystères de ce monde.
Heureusement l’errance et le rêve contre les bruits assourdissants. Et la cigale, qui n’en fait qu’à bon vent.
Et là de lire un peu Whitman pour mon coeur qui s’allège dans ces échos de la conscience.

Photo : SONG OF MYSELF * Août 2021 * Montréal

Huit cent soixante jours

Le train roule.

Sur une roche, au sortir de la ville, à l’ombre d’un petit arbre,
un homme et sa bouteille.

Je pense à cette faille dans ma terre plus sèche.
Où un simple frôlement vient séparer le sol jusqu’au fendillement.

M. m’a accompagnée à la gare. Avec sa douceur légendaire.
Et la mienne à côté, comme une pierre qui glisse dans l’épaisseur de l’air.

Les arbres filent, et les usines.

Huit cent soixante jours ont passé.
Et juste là, je regardais le ciel et j’ai vu ton visage.
J’arrive à voir ce que je veux dans ces moutons volants.

·


Photo : GOING NORTH – Août 2021 * Laurentides

Les vents ou les âmes

perdre pied, encore
sans avoir vu venir, sinon le simple jour

un pas dans le coulant du sable

et les coeurs et la peine
et l’orgueil peut-être

mais rien de tout ça n’est très clair
autre que d’y vouloir aimer

et que les vents ou les âmes
viendront bien à bout de la brume

Photo : EXISTER ENSEMBLE – Août 2021 * Montréal

Légèreté

où j’ai tu que dans la
nuit j’avais gratté près
des fissures
dans les
fendillements

tu pour
y rester légère
plus légère que mon corps
et mon âme béante

et tendre un miroir
immobile

·


Photo : ERRER À TRAVERS LE SONGE – Août 2021 * Montréal

Le bateau et la mer

la nuit dernière, dans la cuisine
le seul bruit du frigo

une certaine immobilité
mais pas celle du coeur ni du sang

la chaleur est lourde et humide –
j’irai marcher aux mêmes heures
mais plus lentement que d’habitude

j’ai retrouvé un bandeau rouge
qui empêche la sueur de noyer mon visage

je donnerai à l’errance jusqu’au bord de la nuit
avec rien à feindre

le temps reste ma grâce – le bateau et la mer

Photo : L’INTIME – Août 2021 * Montréal

La nuit s’épuisera

Sortez-l’en
Sortez-m’en, dit-elle
Du charbon étendu
Ou tiré à la ligne

Le jugement est lourd
À décoiffer la lune
Et par-dessus l’épaule
Les têtes s’y promènent

La nuit s’épuisera
De par son propre ciel
Les étoiles sont belles
Aussitôt qu’on les voit

Inspiré de cette esquisse de J’y B

Flottements

nos âmes qui s’ébrouent
sur les courbes du temps

j’appartiens au chaos

on dira ce qu’on veut des
histoires des autres
le sort y reste un cheval sans bride

mais si tu veux savoir
comment va mon matin
le vent y fait flotter les feuilles de l’érable

et je pensais
à ceux que j’aime

·


Photo : LE DRAP BLANC – Août 2021 * Montréal

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