Un ciel d’étain

le hululement
c’est le vent, tu me dis
à l’aube, nos pulsions endormies

même si les grandes buses
ont les ailes dans la brume
accolées qu’elles sont aux fourbes avalanches
sur l’horizon voilé, l’anémone reste belle

et sous un ciel d’étain, l’eau perle dans les arbres
aucune cacophonie n’a fait taire la pluie

 


Photo – IMMORTELLE ÉLÉGANCE * Hier – Montréal

Là nos belles tendresses

où bon te semble
au moins ta tête
à défaut de voir ce qui pousse
ou tremble
chut
mais tu refuseras
de toute manière
c’est le corps en premier

et les oiseaux encore et le soleil qui reste

et l’errance
d’entre toutes les failles
un amour ploc qui n’en fait qu’à sa mer
c’est pas moi qui décide mais je veux la marier

le temps continue son ouvrage
au pied des violoncelles
jusque sur les cloisons

et les enfants qui sèment
jusqu’aux petits bonheurs

sur les poitrines silence
le poids des orchestres clinquants
le sang est sur depuis longtemps

y voir assez
depuis la liberté

là nos belles tendresses

 


Photo – TOUT PRÈS D’OLYMPE * 25 avril 2020 – Montréal

Parce que le piano

et ces murs qui aiment
les amours bulldozers
tandis que l’eau traverse
et que l’air y sèche
ni soleil étranglé
ni bourgeon qui s’emporte
mais des corps balourds
et des âmes dans le champ

se sauver clair du haut des toits
et si l’horloge ne tic tac plus
on laissera tomber les épaules
c’est tellement meilleur pour les yeux
et on continuera
de jouer du piano
juste parce que le piano

Photo – DISTANCE ANTICIPÉE * 25 avril 2020 – Montréal

Le ballet séant

alors on changera l’histoire
celle des papillons de nuit
difficile de dire sans dire
c’est ce que je voulais faire
du bout de l’âme
sans faire de bruit

d’entre toutes les heures
le matin des oiseaux

immenses les villes
et vos bidules
permettez-moi l’envers
et les becs sans médailles
asseyons-nous devant
mon abstrait et le vôtre
nos atomes vivants
et le ballet séant

et pourtant d’attendre l’instant
c’est fou comme le temps est là

le vent qui traque fort
les craques de nos baraques
et le grand quiproquo
des amours du dehors

et devant moi le ciel
qui s’attache mes yeux ou pas
mais sans lui rien qui ne nous croit
ni même le grand ciel d’aimer

 


Photo – OBSERVATEUR * Avril 2020 – Montréal

Même les rats rient

la journée est sauve
tu dis
c’est le café et l’eau
et nos restes d’esprit *

tous les chevaux de larmes
cent fois, mille fois
et de rires aussi

si le ciel était gris
d’un coup là, sans mes yeux
il a viré au bleu

je sais pas dans vos lits
mais ce matin j’ai lu
que même les rats rient

 


Photo – Rue St-Laurent * Le 14 avril 2020 – Montréal

* Merci, Gilles. Et sourire.

L’objet du rêve

et l’horizon dans
un grand coup de vent

où il en va d’argile et
de mers déchaînées,
de forêts millénaires et
de lacs gelés, je meurs
d’autant que je possède

le rêve ne s’éteint pas qui
ne demande qu’à être

 


Photo – SOUS DES SIAUX DE PLUIE * Le 13 avril 2020 – Montréal

Tellement vaste, le temps

Touche-moi, dit-elle à l’aube.
Même juste me frôler
comme un souffle de verre.
Coulé par le grand ciel
envers et malgré nous.

S’accrocher, tu me dis.
Bien sûr au tendre jour.
À l’érable qui berce
le lieu de nos amours.

Pareil pour la vague,
celle-là même qui se brise
juste avant d’être au sable.
Bien sûr la tendre rive,
et la mer qui rend tout.

Si vrai que dans mon corps
se dilate mon âme, sinon que
dans mon âme se dilate mon corps,
ma peau y sait le drame.
Et qu’à défaut de vite,
on ira lentement.

Le temps est tellement vaste
qu’il tient de quoi se perdre
et de quoi se trouver.

 


Photo – LE MATIN EN MONTÉE * De la cuisine, 7h06 – 12 avril 2020

Fourmis d’avril

C’est vrai, le large. Les mots que je laisse partir sans me soucier du cap. Parce que cette envie de bondir. Parce que la rue. Parce que mon corps et mon verbe qui partent à l’assaut. Parce que sinon, les fourmis et le sur-place, sans espoir de ciel.

M’énerver contre trop d’absurde? Aussi bien plonger dans une mare déjà pleine. À l’étroit, sans air pour respirer, sans eau pour divaguer. D’autant qu’à travers les vagues, des poissons me frôlent les jambes, de grands oiseaux me font la cour, et des enfants joueurs m’ouvrent tout grand le monde.

Photo – LA CLAIRE-TROTTOIR  – Montréal *  Fin mars 2020

La pluie d’y voir

Et le soleil s’étend sur les nuages blancs. Ma ville se repose et le vieil impatient me toise comme avant. Les murs font son bonheur.

Encore là, c’est la vie à la place de rien. Un jour, une peine, et l’autre, une joie. C’est pareil pour la nuit. L’envie reste famine et le bonheur s’attrape. Ne manque que la pluie d’y voir. Le tic tac intelligent. Le nuage poussé par le vent.

Et c’est là que je pense à l’amour. À celui qu’on intente. À celui qu’on invente à force d’inventer. Et à l’abîme qui, tranquille, se fond à l’or des jours. Au futile d’y forer tellement le temps s’en charge.

On y passe et on meurt. Le plus grand rival du jour est sans doute le jour lui-même. En attendant, le printemps n’envie pas l’automne. Et dans la cour, l’érable se réveille. Hier entre les branches, le cardinal chantait.

 


Photo – LA FILLE AU MONDE DANS LES YEUX  – Montréal *  8 Avril 2020

Les petits silences

je suis rentrée les mains gelés
parce que le vent reste froid

la fille avait les yeux ailleurs
tout son corps me parlait du monde

dans quelques mois ce vent
ensablera les roses
sur nos nuits et nos heures
et nos éclats de peine

le lourd et la beauté
s’emmêleront quand même

il y a le grand du jour
et les autres d’avant
tous ces petits silences
dont on a l’habitude

 


Photo – LA TRACK – Montréal *  8 Avril 2020

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