Vivre dehors

Je me verrais.
Vivre dehors, la plupart du temps.
Dans une certaine vastitude.
Avec le simple nécessaire.
Mais je vis dans un pays de froid.

Dans cet autre, il n’y aurait pas de murs.
Seulement un toit peut-être.
Et même la pluie, j’aime quand elle tombe sur moi.
Alors, un petit toit.
Juste assez grand pour un répit.

En attendant, je vis ici.
Dans un pays d’hiver qui dure.
Où l’on s’abrite éperdument.
Heureusement que l’été
vient y faire quelques beaux détours.

SANS ABRI - Le long de la voie ferrée - Montréal, avril 2014

SANS ABRI – Le long de la voie ferrée – Montréal, avril 2014

Au coeur d’avril

Ce matin encore, je pense à l’écriture.
À toutes ces lignes que je ne laisse jamais partir
parce qu’elles ne résonnent pas comme je le voudrais,
parce qu’elles sont boiteuses, trop imparfaites encore.
Et à toutes ces autres que je laisse partir trop vite
quand mon perfectionnisme m’agace trop.

Et je pense à ma vieille tante aussi.
Qui est maintenant là où elle mourra sans doute.
Et qui réagit plus fort que jamais, qui peine à s’adapter.
Un choc qui me propulse à mon tour dans une sorte de deuil.
Une peine qui vient de partout et de nulle part à la fois.
Je traîne de l’âme depuis deux semaines.
Et ce matin, j’ai vu un peu mieux pourquoi.
J’ai pleuré dans la douche en pensant à elle.
Parce que je la sais qui pleure.

Et quand j’ai levé le store,
j’ai vu le printemps qui s’avance enfin.
Les rues sont sèches,
et les pousses vertes dans les carrés du trottoir
sont plus hautes et plus nombreuses qu’hier.
La vie est faite d’espoir, que j’me dis.

COEUR DE GITANE (2) - Avril 2014

COEUR DE GITANE (2) – Avril 2014

Accelerando

Je m’arrête de moins en moins
à la pensée du temps qui file.
Parce que mon vertige
est chaque fois plus grand
que la fois d’avant.

Et puis j’ai jamais trop aimé la vitesse.
Mais bon, ça c’est une autre histoire.

ASSISE J'ÉTAIS DANS UN TRAIN DE BANLIEUE - Le 17 avril, dans les Basses-Laurentides.

ASSISE J’ÉTAIS DANS UN TRAIN DE BANLIEUE – Le 17 avril, dans les Basses-Laurentides.

Deux vents

Aujourd’hui la pluie.
Après le vent chaud d’hier.

La journée avait commencé pour moi
dans cet autre vent de mes lundis matin.
Cette semaine, c’en était un de vieillesse et d’accablement,
de douleur et de frustration plus grandes que d’habitude.
De gratitude aussi, car elle y est toujours celle-là.
D’une fois à l’autre, Gaby est gentil.
Peut-être devine-t-il que je supporterais mal le contraire.
Jamais il ne se met en colère contre moi.
Contre la vie parfois, c’est certain.
Celle qui lui sape ses moyens.
Il a pleuré hier. Rare.
Il est fatigué. Il me l’a dit.

Après ma visite chez lui,
j’ai goûté à ce vent chaud,
mon premier de l’année sur la montagne.
Celui qui me grise infiniment.
Rien de moins.
La perfection.

LE PREMIER VENT CHAUD - Hier, sur le mont Royal (Montréal)

LE PREMIER VENT CHAUD – Hier, sur le mont Royal (Montréal)

Trois fois passera

Pour Marie-C.

La neige sale finira de fondre.
Les rues et les ruelles seront nettoyées
de tout l’enfoui de l’hiver.
On s’en sortira, tu sais.
La laideur que tu as vue
disparaitra
et laissera la place
au vert tendre des feuilles
aux fenêtres entrouvertes
aux voix qu’on entend des maisons
aux petits carrés de fleurs bien soignés
aux attroupements sur les coins de rue
au vent chaud qui enivre
et à ces tonnes de coeurs battants
qui se jetteront sur le temps doux
sachant qu’encore et comme toujours
il partira trop vite.
Et si dans ta ville souffle un bon vent de mer,
ici dans la mienne, malgré la poussière,
crois-moi, Marie, on s’en sortira. carolinedufourtrottoirpluie3-2carolinedufourcoinstde2carolinedufourruel2LA PLUIE BIEN VENUE (triptyque) – Le 8 avril 2014 sur Montréal

L’air du temps

c’est vrai madame votre chapeau
est à la mode et plutôt beau
mais que se passe-t-il en dessous
tout ça restera entre nous
petits désirs qui vous rongent
petites envies, petits mensonges
et on se réveille un matin
mêlant caprices et besoins

et puis on veut toujours plus fort
peur de la vie ou de la mort
vous parlez de nécessités
je pense que vous exagérez
je sais madame votre chapeau
est parfait avec ce manteau
mais qu’est-ce qui se cache en dessous
courou courou courou coucou

carolinedufoursudontL’APPEL DU PRINTEMPS – Montréal 2014

Fausse charade d’un samedi de printemps

Mon premier est humain.
Mon second est arbre.
J’aime les seconds.
Et la plupart des premiers.
Avec un fort penchant pour ceux
qui ne se prennent pas pour mieux que les seconds.

La neige était mouillée jeudi.
Il nous fallait garder les yeux sur le chemin
pour ne pas plonger le pied dans une sloche trop profonde.
Mon amie n’avait pas les bottes qu’il fallait.
Elle débarquait d’Europe, et n’avait pas mesuré la danse du temps.
Belles, ses bottes, mais pas les bonnes.
On s’est rencontré au pied, et elle m’a dit let’s do it anyway.
Moi, j’en avais mis des vieilles, trop lourdes, en gros caoutchouc épais.
Je sais, je procrastine, je n’ai pas encore remplacé mes autres.
Mais l’air, oh l’air! tellement il était bon.

carolinedufourmarcheuravril2cL’HOMME PARMI LES ARBRES – Sur le mont Royal, Avril 2014

Le dos de Rémi

crée neige avec ton manège
v’là un autre matin
entre blanc et brun beige
dans les rues d’un printemps
qui la joue en arpèges
sans plaquer d’accord
do froid ré chaud mi tiède fa sec
sol humide la mouillé si mes pieds
et qui jazz en mettant
sur tout plein de temps faibles
tout plein de contretemps
et ton dos Rémi?
t’es encore tout transi
et y a ma soeur aussi
c’est elle
qui retournait chez elle
après un temps heureux
sur une histoire à deux
elle et moi on joue ensemble
avec les mots
comme sur un grand piano

carolinedufour-masoeur2SORTIR DE L’OMBRE – Mars 2014, Montréal

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