La poésie comme une route.
Criblée de tout l’imaginable.
Mon âme qui s’y dénoue.
Et sitôt s’y renoue.
Je perds à trop vouloir.
La poésie comme une route.
Où errer.
Doucement. Passionnément.
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Photo : RIEN QUE ÇA – 2018
Pour S.
la mer qui se dessine
et nos âmes portées
comme le bois de grève
au vent de mille vagues
et nos vies en rivières
et nos coeurs de femmes
et ce désir, le même
de liberté et de tendresse
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Photo : ELLES, ET LEURS CORPS ENLACÉS – Montréal * Juillet 2018
des éclats de soleil et d’ambre
et tous ces désirs de ruisseaux
liquéfiés des deux côtés
de la ligne blanche
nos rêves qui mêlent leur haleine
dans l’humidité de la ville
et le cœur qui n’invente rien
il n’y a pas d’amours inutiles
on emporte les heures avec soi
et elles s’écoulent, nues et vivantes
versées jusque dans la nuit noire
en amont de nos âmes tendres
Photo : ONDE CLAIRE – Ce midi, dans le parc La Fontaine
C’était hier. J’étais penchée sur ses roses quand elle est sortie sur son balcon. Elle s’est appuyée à la balustrade et a plongé ses yeux dans les miens.
– Elles sentent pas beaucoup, presque rien. C’est pas comme les rustiques.
– Mais elles sont vraiment belles.
– Oui, c’est vrai.
On a parlé un peu de ses fleurs. Et aussi de son potager.
– Ça passe le temps. C’est la première chose que je fais en me levant le matin. Je viens voir mes légumes et mes fleurs.
– Est-ce que vous prenez votre café dehors?
– Quand il fait beau, oui.
On s’est regardées un instant en silence. On n’allait clairement pas se quitter tout de suite.
– J’ai rencontré votre mari l’été dernier. Aussi grâce à vos roses.
Elle a baissé la voix.
– Il est décédé mon mari… il est mort au mois de septembre.
– Ah… … Vous avez été mariés combien de temps?
– Soixante-cinq ans.
– … Wow.
– Oui…. Après soixante-cinq ans de vie ensemble, c’est difficile de s’habituer.
– Ça doit.
Elle m’a raconté la suite d’une traite.
– J’ai été brigadière scolaire pendant trente-cinq ans. À quatre-vingt-quatre ans, je faisais encore traverser les enfants quatre fois par jour. J’ai arrêté il y a deux ans, quand mon mari a commencé à être malade. Ils l’ont hospitalisé parce qu’il avait de l’eau sur les poumons. Après ça, il faisait des séjours à l’hôpital de temps en temps. Son coeur a fini par lâcher.
Elle a parlé de la mort un peu encore. Celle du frère de son mari entre autres, décédé un peu avant lui en remontant de la Floride. Mort en conduisant. Sa femme a attrapé le volant juste à temps pour diriger la voiture jusque sur l’accotement. Ils l’ont fait incinérer sur place, en Caroline du Nord. Ça revenait moins cher que de traverser les frontières avec le corps. Puis elle m’a parlé de ses trois enfants. Une fille, deux gars. Les trois élevés dans cette même maison, où elle vit depuis soixante ans. Une maison devenue vide. Avec une porte vitrée qui donne sur la cour et le trottoir. D’où elle voit son jardin et le monde qui passe.
Photo : LA LÉGÈRETÉ DES CORPS * Dans l’arrondissement Ville-Marie * Juillet 2018
un petit matin dépassé
où on sent le parfum du fleuve
et tout le temps cousu ensemble
un bout du rêve qui me revient
et d’un côté le vent de plaine
pour mieux laisser partir les jours
et encore le même remous
qui nous prend et nous pousse ailleurs
le temps est une rivière changeante
et sommes-nous vraiment jamais l’eau
entre les heures qui écorchent
et les autres qui bercent
vouloir réparer l’incassé
et si c’était ça que de vivre
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Photo : UNE ÎLE AU MILIEU DE LA VILLE * Juillet 2018
Ce bout de cœur
égratigné dans l’aube
dis-moi, je ne sais plus
c’était le tien ou le mien?
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Photo : CLAIR DE SABLE * Au lac, juin 2018