Sarcelle

à quoi je sers
quand le vent devient fou

au même bonheur d’errer
au gré du jour qui change
au chemin sobre
et au ciel sans réponse

le temps est sans pitié
et sans bonté tout court –
je n’ai rien à attendre
des matins qui se lèvent

on longe des fossés –
que me chantait mon père

en attendant
la maison est sarcelle
c’est au numéro sept

elle reste inimitée
tu la reconnaîtras

·


Photo : CHEMIN DE JANVIER – Petite Nation 2022

L’ombre du pin

Même matin.
Trois cauchemars d’affilée.

Et de s’ouvrir à l’évidence, tu dis,
serrés contre les plis du jour.

Ici, du fond d’une saison plus rude,
dans l’antre du désordre, l’eau qui frémit
sur le bassin gelé. Et le pic, perché entre le 
ciel et nous sur un bout de bois sec.

Plus tard, s’il fait soleil, l’ombre bleue
du pin blanc reviendra s’allonger sur
le tapis de neige.

Au fil des heures, même dans cette
beauté, il m’arrive de vaciller au
bord d’un trou béant. Pour un piano
absent ou quelque autre caillou.

On ne revient pas sur ses pas.

Photo : RIVER LOVE – Petite Nation 2022

La neige tombée

tes mots sont forts, et ta musique
je bois à leur beauté

je sais toujours pas pour l’amour
sinon pour la neige tombée
la rivière gelée
et la blancheur du temps –

et que devant
l’obséquieux et le méprisant
je rêve encore plus fort
de sauvage et d’errance

Photo : ANGELURES – Petite Nation 2022

La mort n’a pas besoin de nous


d’un matin bleu sur blanc

un arbre solitaire
et moi amoureuse de lui

j’aime qu’on donne au jour
le bénéfice du miracle

et la foule m’est souvent
plus belle muette

la mort n’a pas besoin de nous
pour savoir qui elle est

quand tu reviendras de là-bas
on s’aimera plus fort encore

Photo : BEAU DANS LA TEMPÊTE – Petite Nation 2022

D’écorce et d’errance

ma pierre lourde ou quand
c’est trop mes épaules à elles seules
et trop ma volonté

le vent et dehors
même brûlants et délavés

déjà faire taire le sordide
avec le silence du givre
filer de longs cotons d’eau claire

dans la dormance de l’hiver
mon gage d’écorce et d’errance
de beau et tendre

Photo : NOS COEURS FANTÔMES – Janvier 2022 – Montréal

Le calage de l’aube

Il faisait froid, on marchait du bord du soleil. Le peu qu’il en restait. Je sais pour le repère venu avec la neige, la brillance du flocon, t’as dit. Et d’autres belles choses. 

C’est bon quand tu parles avant moi. Je me sers souvent de tes mots pour défaire les noeuds et y laisser entrer la nuit. Après, l’aube se cale d’elle-même au pied des hautes falaises.

D’ici demain, on comptera les nids d’écureuils. Peut-être aussi les éléphants, mais seulement si tu veux. J’aimerais savoir si comme on dit, ils peuvent nager jusqu’à New York. On pourrait s’en faire une fête. Il manque une corde à ma guitare, mais j’en jouerai quand même.

En attendant, te souviens-tu? On était restés pris, à moins quarante, dans un motel, en Alberta. La voiture ne démarrait plus. 

Bref, l’hiver est bien là.

Photo : LES ACCORDS LES PLUS TENDRES – Janvier 2022 – Montréal

Le poème et la bête

je n’aime pas trop jouer des mots
pour autre chose que le poème

et quand on me montre le poing
je préfère encore le silence
à la bête rudesse

et mille fois d’errer
dans les blancs hivers de ma tête

Photo : JARDINS DE NEIGE – Hier, dans la belle tempête – Janvier 2022 – Montréal

Rouges d’hiver


et j’éclate déjà en combien de morceaux
là où se bercent les silences
et notre éternité

toutes ces traces de l’errance
et tous ces endroits clairs

je n’attends pas d’oiseaux
d’ailleurs je n’attends rien
que la neige déjà
à travers ma vitre

on s’est dit les trottoirs
et nos états humains

tu avais les joues rouges

Photo : COCON – Janvier 2022 – Montréal

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