Surfer sur les jours

Hier soir, déjà, j’aurais pu savoir.
Avec la lune, et le ciel dégagé comme il l’était.
J’aurais pu savoir que ce matin, il ferait froid comme il fait.

Il y a deux semaines, j’ai fait un rêve.
Je surfais sur une vague, loin de la rive, une grosse vague.
Sur ma gauche en venait une autre, plus grosse encore.
Me faudrait surfer là aussi.

À mon réveil, je me suis demandé.

Puis une vague est venue.

Si c’est vrai qu’il m’arrive parfois
de voir arriver une vague,
une chose est sure, quand elle est là,
j’aspire à m’accrocher au temps
et à danser avec le vent.

Photo : LUNE DE JANVIER – Hier, 17h31, dans le ciel de Montréal

La maison sur le flanc

Sur un flanc de la montagne, il y a cette rangée de maisons qui appartiennent pour la plupart à des gens fortunés. Ou à des héritiers. Ce sont de belles vieilles maisons, qui sont bien entretenues mais qui ne font montre de l’extérieur d’aucun luxe extravagant. Ce qui fait leur valeur, c’est surtout l’endroit où elles se trouvent.

Je les vois souvent ces maisons, puisque c’est le flanc par lequel je monte. Et toujours, elles me font rêver.

Parmi les histoires que je m’invente, il y a celle où je rencontre un jour un vieil homme, un vieux philosophe, avec qui j’échange quelques mots quand nos chemins se croisent sur la montagne. Une amitié se tisse au fil des ans. Puis un jour, j’apprends que l’homme m’a légué sa maison. Qui se trouvait là, sans jamais que je l’aie su, sur ce flanc que j’aime tant.

Ce matin, tandis que le soleil et la glace rendaient le monde étincelant, le toit de cette maison qui serait la sienne, ma préférée d’entre toutes, brillait de toute sa gloire. Le voici, ce toit. Et la maison. Le centre-ville se trouve derrière, au pied de la montagne, mais vous ne le voyez pas.

La montagne était glacée comme je l’ai rarement vue aujourd’hui. Par bonheur, un véhicule à chenilles avait précédé les marcheurs pour réduire en grains la couche de glace et rendre le chemin praticable. De chaque côté, la forêt blanche garde encore son épaisse couche givrée.

Au moment où j’écris ces lignes, le soleil descend tranquillement au-dessus des maisons de l’autre côté de ma rue. La glace qui se trouvait sur les branches et les fils électriques a fondu. La journée a été particulièrement douce et belle.


Photo : LA MAISON DU PHILOSOPHE – Ce matin, sur le flanc sud-est du mont Royal.

Au coeur du jour

un coup raté au coeur du jour
et l’hiver dans tous ses états
ses vents cinglants et ses matins blancs
à travers nos peines et nos joies

j’avais cru entendre sa voix
qui m’appelait du fond des heures
je suis revenue sur mes pas
le temps y fera mieux que moi


Photo :  Diptyque – PATIENCE ET ROUSSEUR – Entre la montagne et la ville, il y a deux jours

Un même désir

regarde le ciel est rose encore…
quoi? tu dis quoi?
sans l’art, je trouverais ma fuite
et serais infidèle peut-être
un même désir
de me perdre et me retrouver


Photo : COIN D’ARRÊT – Hier

Dans la neige

aimons-nous dans la neige
et oublions ensemble
ce qu’il faut oublier

les petits marécages
où cuvent nos tristesses
ne se sauveront pas

viens, viens avec moi
tandis que tout est là
qu’on s’aime dans la neige


Photo : MA VILLE BLANCHE – Dimanche soir, dans mon quartier

Les feuilles roses

hier soir, presque tout avait fondu
deux jours ont suffi
de chaleur et de pluie

et mon coeur qui pousse le vent
et s’amuse de mes illusions

sur janvier d’entre tous les mois
comme un rivage où je m’échoue
avec les mêmes rêves d’exil

la neige m’emporte et je la suis
à la fois soumise et rebelle

je penserai à celui-là
comme à l’hiver aux feuilles roses
restées accrochées à leur bois

est-ce qu’on ressemble tant aux choses

l’automne n’a pas joué la note
celle qui les aurait fait tomber

encore le temps qui gagne
sans mérite ni blâme
et nos coeurs qui résonnent
autant qu’ils déraisonnent

et ce matin la neige
sublime
retombe sur ma ville
et moi qui l’aime
autant que je la fuis


Photo : LA FONTE – Hier, dans ma ville

Un certain silence

devant le froid de certains vents
le silence me porte refuge

souffle ce que tu es
on dansera comme on danse
et je dirai seulement
que dans mon ciel d’errance
quand l’aquilon arrive
j’embrasse le silence


Photo : L’ADOUCISSEMENT – Hier soir, dans mon quartier

Mouvement matinal

Mes jours sont pleins. Si pleins de mots.

J’écoutais Mahler en prenant mon café. Piano solo. J’y entendais un poème, une virée, un désir de sentir et de faire ressentir.

La neige souffle en tempête ce matin. C’était cruellement froid hier. Ce le sera encore aujourd’hui. Le visage contre le vent, il fallait plus que braver. Il fallait savoir qu’il y aurait une fin.

Je suis gras dur dans la chaleur de cette maison. D’autres se sont donnés, corps et âme, pour que ce pays de neiges et de vents devienne ce qu’il est : un endroit où les saisons sont ressenties, au pire comme un combat passager, et au mieux, comme un voyage, une fenêtre sur le monde. Un angle de plus d’où rêver l’existence.

Photo : LA TRAVERSÉE – Hier, près de chez moi, dans un ressenti qui frôlait le -40

Amour atomique

j’aime que tu sois
opaque
et ta lumière dense
tes atomes assez près
que je puisse te savoir
te voir
te toucher

j’aime l’illusoire et fabuleuse
densité du monde

je sais, oui, c’est malgré tout

alors j’aime, et malgré tout
avoir des atomes à aimer

les tiens
et d’autres
bref, y a en masse à aimer dans cette existence
c’est bon, j’arrête
grrr  brrr  grrr… et le big et le bang
pas mal quand même, non?
ç’aura pas été pour rien, avoue
c’est bon, c’est bon, j’arrête!


Photo : FUSAIN D’HIVER – Avant-hier, même saison, même ville

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