Sûrement que tout ça est normal, une simple question de miroir, de poitrine qui résonne, après l’éboulement d’un jour et d’un corps. Y a qu’à penser aux bouleaux tendres, aux buses de l’aube. Et à la souche, à cette femme qui fut ma mère, à ses chagrins et ses bonheurs, à sa vie rabotée faite d’instances d’âme, de chemins détournés, de miettes qu’on ramasse à tout rompre.
J’entends des carillons, comme des volées d’oiseaux, des membranes d’eau pure, des montagnes natales. Je sais qu’elle en aurait pris plus. Plus de temps. Qu’elle en voulait encore. Des matins ordinaires où vivre le moment.
Pour ça, on poursuivra l’histoire sans y perdre d’éclat. On dressera des poèmes comme on dresse des tables. On rêvera nos moulins, même si le vent dérape. L’automne arrivera, on fermera les fenêtres et la neige reviendra. On habillera l’angoisse de vivre avec des petits plaisirs, comme autant de colliers d’eau claire. Ou comme des soirs de ouananiches pour les pêcheurs heureux. Le tellurique et l’eau seront déjà bénis. On continuera d’avancer à coups d’âme chercheuse. De force en bois et de mémoires d’entrailles. On restera éprise, c’est ça.
La lassitude passera. Et la terre, même maigre, donnera ce qu’elle a à donner. Parce que c’est ce qu’elle fait de mieux. Pour ça je te dis mon amour ne t’en fais pas, si je suis maintenant orpheline, je sais encore nager. Ma folie sera passagère. Mon éloignement aussi.
Même quand j’ai mal à ma tendresse, l’amour reste ma gloire, mon errance et mon ciel.
Photo : MA MÈRE – Au bord d’un lac du Québec – 1949