de ta chambre sans les mots
toi qui regardes le monde
depuis le seuil encore
sûr je comprends la distance
et d’ici un peu je vais tendre
le coeur à ton silence
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Photo : UNE DEUXIÈME SAISON DE FEU – Fin octobre 2017 * Montréal
de ta chambre sans les mots
toi qui regardes le monde
depuis le seuil encore
sûr je comprends la distance
et d’ici un peu je vais tendre
le coeur à ton silence
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Photo : UNE DEUXIÈME SAISON DE FEU – Fin octobre 2017 * Montréal
au vent fort, les feuilles
et les branches
exposées
pour tous ces mots gardés
et ces élans
dans les saisons qui passent
je sais
on se retient de trop aimer
le ciel est gris
les feuilles répondent au vent
elles dansent et puis elles tombent
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Photo : L’APPEL – Fin octobre 2017 * Montréal
petits coups de pluie
sur le métal
je les entends sans les entendre
la fenêtre fermée sur l’air froid
fais-nous fais-moi
goûter au feu du tendre
et toucher l’aube et le désir
jusque dans l’ombre
la noire
où se forme le monde
d’autant que l’âme, elle
ne sait pas de victime
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Photo : AU COEUR DE L’ARBRE – Fin octobre 2017 * Montréal
Dans l’autobus.
Des regards. Des sourires échangés. Plus que d’habitude.
Une chaleur palpable. Entre plusieurs inconnus.
Je la remarque. Et me dis que je vais l’écrire, en parler.
Puis juste comme on descend du bus, un planchiste qui roule trop vite.
Un coin de rue. Une collision. Une dame qui plonge face première.
Son corps replié dans la rue. Sa canne à côté d’elle. Et ses lunettes, cassées.
Elle nous parle, elle est consciente. Une mare rougeâtre grossit sur l’asphalte.
Un jeune homme glisse un manteau sous sa tête.
On est trois, puis cinq, puis vingt à l’entourer.
Pour la protéger des voitures qui roulent, ou décollent au feu.
La nuit qui tombe. Et les ambulanciers qui mettent du temps. Trop.
Les pompiers se pointent. La rassurent. Nous rassurent.
Et l’ambulance, enfin.
Avant d’être transportée à bord, la femme se tourne vers l’homme au manteau.
– Vous vous appelez comment?
– Dominique.
– Merci, Dominique.
– De rien.
Et le jeune homme repart, avec au bras son grand manteau pâle couvert de sang.
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Photo : AMOUR DE RUELLE – Fin octobre 2017 * Montréal
sans amours ni rivières
pour y baigner mon âme
que trouverais-je à faire
de mon désir fou
par cette ombre qu’il porte
et ces vents qui se croisent
toutes les berges données
d’où rêver le mystère
sans lui, je sais
les matins seraient pâles
et les absences vides
et as-tu vu combien
près des courants innés
je suis plus vivante et plus vive
BLEU D’INTEMPÉRIE – Octobre 2017 * Lac Kénogami
C’est mon regard sur toi qui dessine mes jours.
Et sur tout ça, qui se donne.
J’ai le rêve à fleur d’âme, je sais.
Les arbres, infiniment épris, visent la part du haut.
Ils montent dans son axe sans jamais y penser.
Et moi, l’errante, je ne cherche pas de lieu.
Pourtant, mes racines s’étendent.
Et s’agrippent comme à flanc de montagne.
Je t’aimerai encore. Et tout ce qui se donne.
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Photo : LAC D’AUTOMNE – Octobre 2017 * Lac Kénogami
Géorgie, États-Unis, autour de 1905.
j’ai vu des caravanes
entendu la musique au bord de mon réveil
et des notes qui trahissent mon désir
le long des rivages d’argile
je marche pour apaiser mon amour exalté
et mon cœur à l’orée du néant
je suis tellement vivante
à en peindre et vouloir
des ciels qui se déchaînent et des nuits de bohème
vivante à m’y trouver et vivante à m’y perdre
dans ce monde qui déjà
cent ans avant le vôtre
m’accuse d’hystérie et de divagations
je vois un jour où l’homme
n’aura presque plus rien d’une finalité
un jour où de lui-même
en quête d’efficience
il bafouera son corps et ses états variables
les mots et moyens changent
mais les desseins perdurent
puisse-t-il y voir quand même
la beauté des battures
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Photo : INCONNUE / ELLE AIMAIT PEINDRE AU BORD DES RIVES – Prise à Madison, dans l’état de Georgie, aux États-Unis, par F. B. Clench. Tirée de la même collection de photos provenant du grenier d’une maison de la Caroline du Nord. Le photographe a vécu de 1836 à 1914, aux États-Unis et au Canada. Il s’est installé à Madison en 1902, où il a vécu jusqu’à sa mort.
La liberté sent et goûte quelque chose.
Le sable, par exemple. Quand il pleut.
Je revenais du centre où Gaby vit depuis maintenant trois ans. Il est déprimé ces temps-ci, devenu quasiment aveugle au cours des derniers mois. Il ne voulait pas se lever, et je n’ai pas insisté.
Une pluie tiède s’est mise à tomber. De plus en plus fort. Je n’ai pas cherché à m’abriter. Je n’aime pas m’arrêter quand je marche. J’ai marché comme ça assez longtemps pour être bien mouillée. Pas jusqu’aux os, mais pas loin. Puis ça s’est arrêté. Et j’ai continué assez longtemps après pour être presque sèche en arrivant chez moi.
J’en avais besoin. La marche est mon premier remède.
Quand je suis passée près du parc Lafontaine, ça a senti fort la terre et le sable. Et je me suis sentie délicieusement libre.
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Photo : PLUIE D’OCTOBRE – Hier, dans l’arrondissement de Ville-Marie
et novembre à venir
et mon cœur ce matin
ou mon corps peut-être
lequel est l’insoumis
lequel se donne au même délire
de vouloir retenir encore
les vents chargés de juillet
et les corneilles devant
sur le même trottoir
qui se disputent des graines
dans la ligne du soleil
et ce monde
et sa bêtise
avec toujours un peu l’espoir
devant la lumière qui vacille
que dans son ombre quelque part
monte une douce révolution
et la montagne toujours si belle
dans sa courbure d’octobre
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Photo : LES LIGNES D’OMBRE – Hier matin, sur le mont Royal