et nos yeux qui ne voient presque rien
dans une forêt d’amblyopes
pouvoir et savoir
seront toujours trop bavards
dès lors qu’ils nous éloignent
de la beauté des choses
je l’avais trouvé beau quelques secondes plus tôt
mais j’ l’ai trouvé plus beau encore quand je l’ai vu de loin
penché sur le grand abreuvoir, s’aspergeant contre la chaleur
je ne voyais plus son visage, que j’avais déjà oublié
juste son désir de l’eau
et surtout ses gestes lents
au retour, au même endroit
cou bras mollets visage
je me suis aspergée aussi
et plus que jamais j’ai pris mon temps
j’oublie si souvent
combien la lenteur m’est sublime
ce matin la lumière
et cette chaleur revenue
il est tôt, le soleil se lève à peine
après une soirée de cigales
la nuit en a été une
de drap qu’on écarte
et de bonheur pour moi
qui aime tant cette chaleur
j’entends la ville qui s’éveille
et la douche qui crie encore
on n’y fera jamais rien sans doute
de l’autre côté de la fenêtre
les feuilles du grand érable
changent déjà un peu de couleur
vie de doutes et de plaisirs
d’erreurs en masse et de bons coups
d’amour et de… d’amour?
on m’a eue autant qu’on m’a eue
cependant qu’on m’aimait ou pas
me voilà sculptée malgré moi
après j’invente de toute manière
mon regard en précieux ciseau
burin de mes nuits et mes jours
et bien sûr qu’on m’a pris ma vie
de grands morceaux, ici et là
gravant mon coeur, ciselant mon âme
et moi et moi, bien sûr aussi
autant de fois j’ai laissé faire
que dans mes joies et dans mes peines
j’en touche d’autres que la mienne
vie de grand ciel et de je t’aimes
de rires fous et de désarme
vie d’horizons et de bohème
il y a longtemps que je t’aime
Le jeu d’écriture de l’Agenda ironique proposait ce mois-ci d’écrire un conte ou une parodie de conte. Voici donc ma participation… qui fut d’abord involontaire puisqu’il s’agit en réalité d’une réponse envoyée à carnetsparesseux pour décliner, en m’amusant un peu, l’invitation qu’il venait de me faire en ces mots : « … un petit conte de fée d’ici vendredi, ça ne vous tente pas? ».
Et voilà que je découvre ce matin que jobougon, qui héberge l’édition du mois de l’Agenda ironique, a eu vent de ma réponse au paresseux, m’a incluse dans la liste à mon insu, et a même déjà donné un titre à mon « conte »… alors, en vous remerciant de votre enthousiasme, chers amants des mots, je me joins « officiellement » aux conteurs du mois d’août.
Il me faut quand même vous avouer que je m’inscris surtout parce que je viens de lire que le gagnant ou la gagnante aura droit à un tour de citrouille…
Ah la la… non, mais… mais… y a quoi derrière cette porte? Pas une autre fée!?… C’est que j’en ai vu des fées, moi, dans les derniers mois… des fées à lunettes, des fées à corvette… j’ai même vu des fées à déambulateur… bon, c’est vrai, je n’ai pas encore vu de fée à grenouille, ni de fée à citrouille.. … peut-être que je n’ai pas regardé au bon endroit, vous dites? … ah ça va, ça va, j’ai compris, je vais aller voir puisque vous me le demandez si gentiment… bon, ma loupe, mon appareil photo, mon magnéto au cas où il s’agirait d’une fée chanteuse… pas question surtout que je me rende là sans m’être bien préparée… après tout, j’aurai des petites oreilles à remplir moi… elles sont parties pour un temps mais elles reviendront bien un jour, n’est-ce pas?… et c’est qu’elles sont gourmandes ces petites oreilles, et elles m’aiment bien sucrée dans mes histoires, bien drôle, et effrayante à souhait… alors, tant qu’à y aller, je vais m’équiper intelligemment… pour m’assurer de rassembler toutes les preuves d’une éventuelle rencontre avec une citrou… Mais, qu’est-ce que c’est que ça? Non… pas déjà… une grenouille et une citrouille?… une à côté de l’autre, aussi vite que ça dans l’histoire?… c’est à croire qu’on les a placées là spécialement pour moi… mmm, est-ce que quelqu’un essaierait d’me jouer un tour?… est-ce qu’on me prendrait par hasard pour une raconteuse d’histoires? C’est que j’en ai raconté moi des histoires de fées et de monstres dans les derniers mois… j’pensais que j’en avais vu la fin pour un moment… mais il semble bien que non… ce paresseux aussi… qui m’fait de l’œil… ok, l’appareil photo, clic… mais… mais voilà que la citrouille me parle maintenant !… quoi? je vous entends mal.. Ah, vous voulez que j’vous suive… c’est bon, allez-y, roulez, moi je me tiendrai derrière… vous voulez que j’attrape la grenouille pour qu’elle vienne avec nous? Elle a mal aux dents, vous dites? Ah, bon.. Allez hop! Viens-t‘en la grenouille, mais tiens-toi tranquille, t’es un peu gluante et j’pourrais changer d’idée… et toi, tu ferais mieux de rouler la citrouille, et vite qu’on en finisse… oh! oh! manquait plus que ça maintenant… un sentier? Un arbre avec des pommes dorées? Une porte rose barrée à clé? Non mais vous m’prenez pour qui à la fin? Une raconteuse d’histoires? Je vous l’ai dit, j’ai besoin d’un p’tit repos… j’y reviendrai de toute manière à ces contes de fées, quand les oreilles gourmandes ressoudront, d’autant qu’elles seront peut-être affamées… en attendant, heureuse d’avoir fait ta connaissance citrouille, et toi aussi vadrouille, euh j’veux dire grenouille… et à la revoyure… je retourne dans mon monde… qui restera sans doute exempt de fées pour un petit moment… et de monstres aussi, c’est un peu dommage quand même… mais bon, tout ça pour dire, cher carnets, que je n’ai pas le temps, ah ah, pour les contes de fées… snif, snif… mais merci quand même pour l’invitation!
Impostures et illusions passent pour d’incontestables vérités,
tandis que la réalité est fabuleuse. H. D. Thoreau
j’insiste, lui dit-elle
je vous peindrai sans visage
on y verra celui qu’on veut
dépend de l’âme qui regarde
c’est qu’il faut bien se vivre
et s’imaginer là où il fait bon se voir
on est dimanche aujourd’hui
le temps est clair, le vent est doux
et votre coeur qui bat toujours
c’est déjà bien extraordinaire
alors laissez-moi faire
je vous peindrai sans visage
on ne s’y voit souvent que mieux
et plus tard
nous irons marcher dans les arbres
y a des jours où vraiment
j’ai du mal à me cuire
je vadrouille, je contourne
j’avance et je recule
puis vient enfin le temps
où je lâche le morceau
c’est que j’veux qu’il soit beau
mais surtout qu’il soit bon
bon et tendre à souhait
tendre, oui
comme un bon gros gâteau
qu’on sortirait du four
au fait, j’y pense
mon nom, c’est…
aaaah voilà, tout s’éclaire maintenant…
les bouts d’papier collés
sur les roches du jardin
pour la belle aventure
qu’on s’était inventée
lui balaie la terrasse
et à travers les feuilles
des petites choses d’elle
un ballon dessoufflé
un bracelet oublié
les belles tempêtes d’amour
ça laisse toujours des traces
mais il faut bien au moins
balayer la terrasse
c’t’idée aussi qu’il y ait la vie des autres
celles-là de vies qui m’éclaboussent
à faire presque exploser mon coeur
après cinq ans collés
et deux mois collés collés
hier, mes amours décollaient
s’en allant loin
et pour un long long temps
et plus tard hier en marchant
j’ai vu un gros nuage blanc
un blanc éclatant de lumière
vu le soleil qui descendait
bon bonheur mes amours
j’vous attendrai le coeur volant
parce qu’il faut bien qu’il vole le coeur
plus haut, toujours plus haut