Paysages

Par le coeur et les lèvres, j’aurai senti quelques parties du jour. Parfois aussi la rose d’entre les vents véreux. Sans pour autant y changer la mesure du terrible et du merveilleux.

J’aurai sillonné les trottoirs, surtout tranquille, avec une ombre sur la joue.

Que le soleil puisse être las, on n’y pense même pas. C‘est ce que disait Jack quand sa pipe s’est éteinte. Et il l’a rallumée sans en faire d’histoire. Le matin restait lent. Et beau malgré le reste. Si pour un instant l’inutile allumait le feu de l’utile, on n’y perdrait de ciel que par l’arbre et ses branches.

Et d’ici je me rêve encore, errante dans l’aube. Aussi nue dans le monde que ma chair et mes os. Éprise malgré moi.

Photo : DEUX FEMMES * Septembre 2021 – Montréal


&
Le paysage aperçu semblait suivre une courbe
Un cinéma en boucle anticipant mes pas.
Sans doute quelqu’un au regard de ma course
imaginerait que familier d’une certaine habitude
Ma manière de forcer toujours sur un pied
Me fasse revenir sans cesse au départ.
~
Mon domaine n’excédait pas mes traces
Sans le voir, je finis par creuser un sillon
& somnambule musique en déroute
Je suivais l’orbite de ma gravitation.
~
Amirliton


Devant la pluie

Et le jour qui y donne dans son matin d’automne
toute sa chair de jour, à commencer par l’aube.

Et ton désir devant la pluie qui tombe
d’en être à fond le temps d’y être.

Si les oiseaux pensaient à contrôler le monde,
on les verrait s’échouer au pied de nos fenêtres.

Photo : LES CORPS SANS BORNES * Septembre 2021 * Petite Nation

Pensées flottantes

un autre matin de soleil

tu repenses à la tourterelle
au bord de l’étang
celle que tu jouais à imiter
et qui te répondait

tu humes la rose au passage
du p’tit rosier qu’il t’a offert

tu remontes les stores
et tu comptes pas les fois
pas plus que celles où tu choisis
entre le sordide et l’errance

par chance la lumière de septembre

Photo : NOS PENCHANTS * Septembre 2021 * Montréal

Au pied de la tête

les corps qui se dispersent

et l’instant, gratuit

qui n’attend rien

d’y toucher le plancher
ça ne change pas

c’est au pied de la tête
et ça reste incertain
au moins mystérieux comme hier

et là le vent
dans le rideau de tulle blanc

Photo : ICI ET AU-DEÇÀ * Septembre 2021 * Montréal

Un certain vent

Lou s’avance vers la fenêtre et l’ouvre grande. Le vent est encore déchaîné.
Charles, qui vient de se lever, entre dans la cuisine.
– T’as pas froid, mon amour?
–  Un peu. Mais je voulais voir si j’entendrais peut-être enfin, à travers les rafales, le chant d’une brise ou d’un oiseau.
– T’as entendu quelque chose?
– Une grive peut-être. Mais c’est difficile d’être sûre tellement ce vent déforme tout.
– Vrai.
Il s’approche d’elle et enroule un foulard autour de son cou.
– Je te fais un café, ma Lou?
– Oui merci, my love.
·


Photo : BEAUTÉ BITUME * Septembre 2021 * Montréal

Lettre à Colette

Je suis venue tôt dans la cour, dans un parfum de pluie. J’ai tiré la table et la chaise dessous le petit toit. L’averse tombe en musique sur le bois du balcon. Une claire caresse au jardin, aux orpins qui se rosent. On a taillé les pans de vigne qui coupaient le soleil. La lumière dorée de l’automne se rendra mieux à nous.

J’ai un drôle de vertige, ces temps. Un chancèlement étrange dans un paysage inédit. Si je te racontais l’époque, ses égarements et ses manières, tu me croirais bien sûr. Là où les rivières ne craignent ni les rochers ni la mer, on y rampe dans les broussailles à chercher ce qu’on a déjà. Par chance le vent sait mieux que nous.

Photo : QUAND L’ESPRIT VIENT AUX FILLES * Septembre 2021 * Montréal

La main dorée

là où l’orpin tourne au rose
et où fidèle à mon habitude
je pleure un peu d’avance
l’été qui s’en ira –
son image déchirée
par la main de l’automne

Photo : MALGRÉ TOUT * Hier * Montréal

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