Trou de boue

Trois fois mille.
Mais tu ne retiens rien des mathématiques du monde.
Tu écris et tu marches. Tant que tu peux.

Le trottoir est mouillé.
Le vélo solitaire et les cheminées sales.
C’est l’issue de la feuille, du ciel sans y penser.
Celle de la pluie sans histoire.

C’est un autre matin à jouer de vertiges.
À mourir un instant sur le bord de la faille.
Le délicieux supplice d’un même trou de boue.
Pour le même désir. Dans le sens du vent.

Photo : LES MAINS * Hier – Montréal

La belle eau

Et ce pendant qu’on ne décide rien, de pouvoir y couler, roucouler sur la suite. Heureusement le ciel aussi fait mieux que ma complainte. Et d’encore me vêtir. Pizarnik, Emaz, Arendt. Pénétrée jusqu’aux os, mon âme qui s’engoue, se berce, se mêle sans se perdre.

Si je longe l’hiver et son corps poétique, c’est que j’y sens la belle eau des rivières.

Photo : LA ROUTE DU JOUR * Mars 2023 – Montréal

De quoi rire

pendant que la rivière

mais t’as raison
rien n’est perdu

j’ai encore le temps de l’errance
la blanche même sale
même la glace noire

et le vent qui fait mieux
que mes plaintes chétives

de quoi rire
de ces trous dans ma tête

Photo : SUR LA NUIT DE L MAYBE * Avant-hier – Montréal

Non plus demain, la nuit

J’aurais aimé d’autres conversations. Après la lune
de ce soir-là. Mais tu partais et je restais. 

L’hiver est presque derrière nous. Un troisième coup
sur un tambour ne blanchit en rien une fable.

Viens voir,  j’entends. Vite ! Mon café coule, je me dépêche.
Un épervier sur la clôture. Avec quelque chose dans sa gueule.
C’est quand même beau sur le matin.

Le désir du monde est glissant.
Mais pas l’oiseau. Ni le piano.

Photo : QUAND LA GRÂCE * Hier – Montréal

La traînée

L’accusée au ventre de feu est arrivée pieds nus, les yeux sur le jour. On l’avait aperçue debout au coeur de la mêlée – non seulement osait-elle errer, mais elle exhalait sans pudeur des relents de terre indomptée. Allait-on la placer sous haute surveillance? No need, really. Suffisait de saturer l’air d’une longue traînée de censure.

Photo : BLEU GRIS * Avant-hier – Montréal

Impatientia

Oh tendresse, ma tendresse
ne vois-tu rien venir ?
d’entre les eaux, d’entre les branches
des morceaux d’avenir ?

Mais toi mon âme furibonde
que ne laisses-tu le temps
marier le ciel marier le vent
et venir le printemps ?

Photo : LES OISEAUX D’AILLEURS * Hier – Montréal

Corps flou

ce serrement encore
du si on avait su

c’était quoi, je t’ai dit
je sautais à la mer

je nous ai vus
et des baisers (poussés par des larmes)
ont jailli d’un corps flou
que je ne suis déjà plus

Photo : LE FLANC ET L’ ÉTREINTE * Hier, sur la Rivière des Prairies – Montréal

La cicatrice

C’est épisodique, dit-elle.
On fouille les rudiments et l’absence du tendre
sans relever vraiment la nature du crime.
Quelque part la beauté.
L’étreinte de l’oiseau et les clameurs fertiles.
Le temps qui fait fontaine jusqu’au ventre du corps,
délivré par le battement des jours,
le cheval solitaire et la rivière blanche.
C’est un silence qui se faufile entre
les reins de l’arbre.

Photo : LA REINE SE DONNE * Mars 2023 – Montréal

Corps sauvages

Au coeur des fourvoiements possibles, y a eu la traversée du bois. Et son trempé d’interdiction. Le poids certain d’un héritage et d’autres émotions sculptées à même le béton. Par autant d’amour même triste et d’années sans peur du reproche, le mystique annoncé. C’est la nudité du désir, dirait mon père, et sa folle nécessité. Quoi qu’on en dise, dans l’eau des chutes ou des bassins, le corps reste sauvage. Les courbes des rivières n’ont rien à voir avec la tête.

Photo :  ET C’ÉTAIT ÇA * Hier après-midi – Montréal

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