Je ne me rappelle pas grand-chose sinon qu’il y avait ce jour-là les rafales et le fleuve. C’est là que va ma tête. Je me souviens aussi que l’attente était belle. La vue du large et les grands vents, sans silence à briser. Un immense bateau bleu pour traverser l’hiver.
Photo : SUR LE FIL DU TEMPS * Janvier 2020 – Québec
Une toile plutôt qu’un poème – je ferais ça, oui. Mais entretemps, si tu voyais le temps. La neige qui remplit janvier. Autant de ciel et de béance. De contours blancs et clairs.
Devant l’ongle tordu, le pardon dans l’oubli. Rien à voir avec la vertu. Mon corps y puise au vent des jours.
De détruire à mesure tous les petits morceaux. Comme on fonçait l’hiver sur des grands bancs de neige. Il fallait être enfant, tu dis.
Je botte encore souvent de gros cailloux de glace.
Peut-être que je ressemble à celle qu’elle a été. Des habits noirs, dehors et en dedans. Sans doute le perméable. Et le coeur mis aussi pour laisser tomber la bâtisse. La peau comme les morceaux de pierre.
Sept soupirs au moins, et je sais qu’il entend. Comme des gouttes échappées sur une toile de mer. Cette histoire d’aimants, de fragile et de fort. Et d’y courir autant après le même soleil.
C’est peut-être le froid du monde, ou celui de janvier. Ou simplement ma tête, qui fait peine de tout doute.
T’avais quand même cent fois le droit de changer de trottoir.
Photo : LAURIER VERS L’EST * Janvier 2023 – Montréal
La pièce est grande. Suffira de s’y perdre. Pour s’y chercher partout sans jamais s’y trouver.
On dirait un théâtre. D’autres diraient que c’est une rue, où la neige a blanchi les jours avant que le vent ne l’embrouille. Une chose en amène une autre. Comme ces deux femmes sur le trottoir, qui se sont arrêtées pour rire. Et le chat noir, comme une tache d’encre.
Je n’entends plus de voix parce que la maison s’est vidée.
Devant moi sur ma table, cette photo d’un garçon dont personne n’a parlé. J’oublie de quel tiroir elle vient, si c’est mon père ou bien son frère. Une photo de Denise aussi. Qui cherchait le printemps tout partout autour d’elle. Mais c’est l’hiver, disait ma mère. Je sais, répondait-elle, mais regarde derrière – moi quand je tourne la tête, c’est tout le printemps que je vois. De quoi jeter au monde l’absence de culottes. Avec sa voix, aussi incroyable que tendre.
Je sais, je sais. Je méandre et divague dans la nuit qui avance. Une manière peut-être de la rendre plus blanche. On sait bien tout l’inséparable et qu’aucune guerre ne se gagne.
Et la voie ferrée qui s’allonge. Presque aussi loin qu’on l’imagine. Toute petite, je marchais déjà sur les rails. J’y trouve une sorte de chez-moi. Toi tu appelais ça du jazz. Quelque chose d’une musique. En somme, tu le disais comme ça, ne reste qu’à faire les cent pas. Pareil pour les mots qu’on écrit. Ou qu’on n’a pas écrits encore.
De l’autre côté de la rue, la vieille femme est dans sa fenêtre. Peut-être que le vieux est mort. Ils sont venus le prendre pendant le réveillon.
Et Noël est déjà derrière. Passé quelque part dans la neige, le désir, les amours et le temps.
Photo : LE VENT SIFFLANT SOUFFLANT * 23 décembre 2022 – Montréal
Petit étang, petit enfant. Rien qui ne fasse tomber les gros châteaux de sable. Ni voler les poussières qui sont trop hautes pour les bras. Les matins continuent entre nos océans troués et nos écrans qui chauffent. Mais t’en fais pas maman, je ne casserai rien. Ni les amas de neige restés collés aux branches ni l’espoir qu’il nous reste d’arriver à plus tendre.
Je prendrais quand même ton épaule pour y pleurer un peu. Sur ce que je ne verrai pas et sur ce que je vois.
T’auras eu tes tempêtes. Bien assez pour te faire un ciel qui laissait passer les nuages et sonner la musique. Et j’aurai trouvé des sentiers, souvent de poésie, pour nourrir mon désir de rester dans ce monde.
De belles fêtes à tous. Merci à vous qui me lisez.
Photo : AU P’TIT BONHEUR DU TEMPS * Hier – Montréal