Corps sauvages

Au coeur des fourvoiements possibles, y a eu la traversée du bois. Et son trempé d’interdiction. Le poids certain d’un héritage et d’autres émotions sculptées à même le béton. Par autant d’amour même triste et d’années sans peur du reproche, le mystique annoncé. C’est la nudité du désir, dirait mon père, et sa folle nécessité. Quoi qu’on en dise, dans l’eau des chutes ou des bassins, le corps reste sauvage. Les courbes des rivières n’ont rien à voir avec la tête.

Photo :  ET C’ÉTAIT ÇA * Hier après-midi – Montréal

D’entre mes rives

C’est vrai pour le bateau et le chien dans la cale. Pour la torsion aussi, arrivée du silence. Une censure en serpent. Et pour les jours, de gauche à droite, de haut en bas. Reste le temps, redonné à l’errance sous le ciel de l’hiver. La neige est belle qui se dépose, comme une phrase, une sentence à lire. Depuis le corps et ses emportements. Et je t’entends. On chercherait longtemps une rivière qui s’indigne. Alors j’épie le jour d’entre mes rives. 

Mais toi, et ton ciel dis-moi? J’ai pourtant cru qu’on ne se perdrait pas, toi mon si beau tourment. Mais là aussi, ça dépendait du temps.

Photo :  QUAND LA TEMPÊTE * Hier soir – Montréal

Mes bottines

Tous les possibles d’un matin pénètrent l’embrasure.
Où le soleil hachure la neige, une fille lève le visage au ciel comme on boirait une gorgée d’eau.
À bas le poids des fous furieux.
Je garde mes bottines. Le monde ne sera que le monde.

Photo : POUR LE POIDS DU TENDRE * Hier – Montréal

Zizanesque

Émile a tendance à se marrer quand il achète son poisson. Pareil quand le soleil se lève dans son petit appartement avec vue sur le cimetière. Il se met là debout devant la toile du moment son pinceau à la main et reste sans bouger au milieu du bordel pendant de longues minutes. Le temps de se rappeler peut-être comment le loup s’y prend pour semer la méfiance entre ses proies de choix et de voir qu’il pleut sur la neige.

Photo : POUR Y VIVRE * Février 2023 – Montréal

Le temps des choses

c’est pas le vent de mouches
mais l’hiver inondé

c’est cent fois la rivière

le troupeau, la crinière
à mon flanc défendant

la mémoire qui vient se jouer de ton île
et la neige qui ne demandait rien

petite c’était moi le corps en bouclier
je suis passée tout près et on s’aimait encore

Photo : NOS BEAUX ESCARPEMENTS – Février 2023 * Montréal

D’eau vive

c’est pas grave, je sais
les saisons dans l’art et partout
comme en amour le coeur
et quand il déraille
il nous reste les mots du corps

à force de toi et de nous
je me défais de moi –
il n’y a pas mille manières
de me couler contre la rive

Photo : LA LENTEUR D’UN SOIR DE TEMPÊTE – Janvier 2023 * Montréal

Tomber d’envers

un ciel et un piano
de quoi emporter le matin

la corneille envolée
et le sang sur la page –
tu n’avais pas vu la blessure
seulement que les lèvres fermées

et le livre est taché
mais ce n’est rien, te dirait-elle

ils s’en reviendront les oiseaux
malgré la belle
qui n’en finit plus de tomber

Photo : TEMPÊTE DOUCE – Février 2023 * Montréal

La froidure d’ici

Pourtant, là-bas,
c’est bientôt le début des fleurs.
Alors j’imaginerai la suite.
Un monde tendre où l’amitié
se pose sur les jours.
La froidure d’ici
n’a pas encore joué sa finale.
On peut rêver d’un banc
dans un parc tranquille.
Mais il faudra attendre.

Photo : AVENUE DU MONT-ROYAL * Hier après-midi – Montréal

Ma mère, mon désir

on t’avait appris que le noir
instruit le vol des oiseaux

je scrute la mémoire
de ta main donnée goutte à goutte
et j’en remplis des pages
que je voue au néant

tu avais l’âme fière
mais le dos d’un cheval fourbu –
l’amour sans l’étreinte

quand même ce soir dans la neige
combien je t’aime encore

Photo : BLEU * Hier – Montréal 2023

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