Sur la route

À l’aller, dans le ciel froid d’hier, des milliers d’oies sauvages volaient en longues formations. Et au retour, seulement deux solitaires. Sans doute qu’on regardait ailleurs.

On a mis du piano en longeant la rivière. J’ai baissé un coup la fenêtre et fantasmé un vent de mer. Après un moment sans rien dire, on s’est parlé de la journée et du temps qui efface.

Les hivers viennent et passent. Et la neige encore s’en retourne avec sa part du rêve.

PHOTO : LA FONTE – Petite Nation * Fin mars 2022

Autant d’hivers

je n’ai de vraie maison que nous
de lieu que mes amours

pendant ce temps la neige revient
qui sait tomber

autant d’hivers
à laisser faire le vent

et tout ce qu’on croit savoir

PHOTO : LA MUSIQUE DE MA VILLE – Montréal – Mars 2022

Petits enterrements

il n’y a pas trop de ceci ou trop de ça
ni du bout des doigts ni d’ailleurs

tu restes belle depuis l’ombre
à jamais traversée de cendres

sans idole et comme bon te semble
à tout enterrer à mesure –
de ces regrets et vains espoirs 

avec le cadeau encore
d’un corps vivant

la mort est plus docile que la contre-bascule

PHOTO : TRAME SONORE DE VILLE – Montréal – Mars 2022

Quelques semaines encore

C’est la musique. Et mon âme décalée. J’aime les mots, je les aimais déjà. Et d’entendre ta guitare électrique. Et Wynona. Ça faisait un moment, cette manière que tu as.

Et là sur l’asphalte, ce rayon qui me parle d’un morceau de ciel bleu.

Mon café est bon et le printemps arrive. Je me prends à sentir un sourire qui monte de mon plexus à ma bouche.

Et si tu veux danser, vas-y fort, que j’entends.

La neige fond – quelques semaines encore et le bougainvillier sera bien sur le balcon arrière. Et je pense à ta cour déjà pleine de fleurs.

Nos histoires sont belles et leurs failles avec. Et c’est tout ce qu’on a.

PHOTO : LE LONG DES TROTTOIRS – Montréal – Mars 2022

La saison des cailloux

Je suis bête et sauvage. Et ne me veux partout que le temps d’y passer. Cette peine qui demeure la mienne comme la nôtre. Mon amour de béton et de corps émouvants retrouve sa consistance. Le brun mouillé des rues. Les courbes de la neige, décadente et fondante. Les cailloux répandus pendant la saison froide.

Deux portes. Et toi qui les aimais les deux.

Ne dis pas que j’ai tort ni que j’ai eu raison. Je ne veux y savoir que le temps d’être ici. Et qu’un instant mon coeur n’a de maison que nous. Ma même nostalgie n’est encore qu’une fenêtre d’où y scinder le jour. Je danse la distance qui fait d’elle une amie.

Et sur le coup du vent, charge-moi d’un éclat de cette biosphère. Comme la pluie dans la vitre me dit que je suis vive. Je ne sais qu’à moitié cerner mes dépendances, et voisine comme je peux les ombreux subterfuges. Ma déception perdure mais l’espèce reste mienne. Aussi belle que bête. Bête et sauvage.

je suis bête et sauvage et ne me veux
partout que le temps d'y passer
cette peine qui demeure
la mienne comme la nôtre
mon amour de béton et de corps émouvants
retrouve sa consistance
le brun mouillé des rues
les courbes de la neige décadente et fondante
les cailloux répandus pendant la saison froide
ne dis pas que j'ai tort ni que j'ai eu raison
je ne veux y savoir que le temps
d'être ici et qu'un instant mon coeur
n’a de maison que nous
ma même nostalgie n'est encore qu'une fenêtre
d'où y scinder le jour
je danse la distance qui fait d'elle une amie
et sur ce coup du vent
charge-moi d'un éclat de cette biosphère
comme la pluie dans la vitre me dit que je suis vive
je ne sais qu'à moitié cerner mes dépendances
et voisine comme je peux les ombreux subterfuges
ma déception perdure mais l'espèce reste mienne
aussi belle que bête
bête et sauvage

PHOTO : BLEU DE VILLE – Montréal – Mars 2022

Dessus le matin tendre

Les rideaux pour la nuit, la fontaine pour l’eau.
Et le sens qu’on cherche, et pour rien si ça se trouve.
Si tu veux l’overdose, elle est là.
Ailleurs, il y a les saisons.

Il s’est habillé lentement. Parce que la lenteur lui ressemble. Elle, sa mère, lui taira encore le confus. Ce monde sens dessus dessous qui ne sait pas trop où il va. Et c’est ainsi, dessus le matin tendre, qu’ils prennent le chemin de l’école. À pied dans la saison. Viens là, mon hirondelle, qu’on suive les oiseaux. On fera comme le bateau bleu en amont de la vague, on se coulera au vent avec ou sans visage et d’un même coup d’aile, avec rien à offrir que le beau de l’envol. Le temps s’est réchauffé. Les manteaux sont ouverts. En entendant la cloche, il s’élance vers la cour. Je viendrai te chercher. À plus tard, mon amour.

PHOTO : ON VOYAIT PARTOUT DES OISEAUX – Montréal – Mars 2022

Un matin et sa suite

c’est entre toi et moi
à l’enseigne des heures

un matin et sa suite 

depuis nos sangs et nos rivières
y voir l’histoire à naître
 et s’en faire une saison tendre

le ciel est plutôt gris
mais tout y est quand même

le temps ne départage
que l’envers des coeurs

ne me reste qu’à laisser le jour
me dire où le trouver

PHOTO : MES RUES DE BOHÈME – Montréal – Mars 2022

Le doute

De son dos fatigué, il retient la montagne. Le gravier sous ses pieds.
Toujours le sang qui lie. Qui défait, coule et se dessèche. Et l’âme qui met bas. Une écorce, une terre, une racine en attente.
– Le cheval tremble, dit Théa.
On le voit qui hésite, au bord de la clairière. Il est redevenu sauvage.
– Tu y crois, me dit-elle, à cette poudre de neige? Et à l’argile souterraine qui monte à nos visages jusque dans les plis de nos yeux?
– Je ne sais pas, Théa. Mais je pense que le doute est amoureux du vent. Et que comme la belle d’errance, il en éprouve les douces brises autant que les tourmentes.

·


PHOTO : AU BOUT D’UN BEAU CHEMIN – Petite Nation – Mars 2022

Réfractions

C’est la nuit, mais la neige, dit Théa. 

Une manière comme une autre de parer aux trous noirs. Elle sait bien que là-bas, tout s’étale comme une ombre dans le sens du non-sens. Et la folie de dire et de taire.

La chambre est petite, mais Théa s’y trouve bien. Elle y brasse l’espace, promène les couleurs, aligne ce qui lui semble louche. Et dessine un tabou en tatou sur les heures. Ou le contraire peut-être. Regarde la couleur de la neige, me dit-elle. Plus bleue que le bleu de tes yeux.

Je garderai d’ici les images les plus belles du ciel et de la neige et de tous ces oiseaux. Et des cerfs qui traversent la rivière à gué.

Les despotes sont aveugles à la beauté du monde.

PHOTO : LA CARESSE DU CIEL – Petite Nation – Mars 2022

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