À mesure des mots

On se fait quoi.
L’un et l’autre. L’un à l’autre.
Des choses tendres. Et dures aussi.

Encore, ce matin, le soleil en découpe.
D’ici, je ne vois que sa portée.
Son éclat sur la neige. La blanche et la sale. Pareil.

Et mon cœur qui bat à mesure des mots.
Qui monte vers ma gorge. De peine et de joie.

Photos : PAREILLEMENT LE JOUR (diptyque) * Montréal – Janvier 2019

Se mettre au monde

Dimanche. La neige semée sur les voitures.
Le ciel est gris. La rue est brune.

Hier matin, quand elle a vu
qu’il faisait moins douze dehors,
elle s’est dit qu’il faisait doux.
Y a pas de doute, quand j’en suis là,
c’est qu’on est au coeur de l’hiver.

Et ce matin, entre son café et la fenêtre,
elle continue d’écrire. De faire ce qui,
quand elle se lève, l’arrache d’elle
et la remet au monde.

*

Je te dirai ma gloire. En silence.
T’as pas besoin d’y voir.
Je te dirai mon coeur. En partance.
Pas besoin de vouloir.
Un seul regard y fait.
Pour que le temps se pose.
Un seul regard.
Et le jour se dépose.

 


Photo : LE CACHE-COU * Montréal – 24 janvier 2019

 

Dans le ventre de l’aube

Pour A.

je me souviens
qu’on allait faire des tours dans le ventre de l’aube

on goûtait au bonheur à coups de poésie

on s’étendait ensemble sur le chemin de fer
la tête sur le métal à guetter le bruit
du train qui autrement déchiquèterait nos corps

et on se levait à temps
riches d’être vivants

 


Photo : L’IMMOBILITÉ * Montréal – 24 janvier 2019

Remplir le ciel

un peu de toi, un peu de moi
et qu’on y danse
comme la blanche folle
à s’y geler mais tellement belle
à remplir le vent et le ciel

un peu de moi, un peu de toi
et qu’on y rie
même dans les creux de ta tourmente
ramasse-moi, je n’ai pas peur
on se connaît presque par coeur

Photo : LA CARESSE BORÉALE – Avant-hier, dans mon quartier – Montréal 2019

Le dernier vent

un froid cinglant
les arbres beaux dans la bourrasque
le jour encore comme le coeur

faut pas s’en faire, me dit le temps
ça sert à rien de toute manière
j’aurai toujours le dernier vent

a bitter cold and yet the trees
are so beautiful in the squall
the day again just like the heart

still there’s no use in worrying
utters the voice behind the gust
I’ll always have the final wind  *

 


Photo : PAR LA FENÊTRE ARRIÈRE – La journée d’hier – 20 janvier 2019

* NOTE ∼ J’ai traduit ce poème en pensant à Mary Oliver. Avec l’envie de le lui dédier. Très humblement, bien sûr. Cette poète états-unienne, grande amoureuse de la nature, est morte jeudi dernier. Elle qui disait que la forêt, la poésie et la beauté du monde lui ont sauvé la vie. Et qu’un poème se doit d’être un cadeau, qu’on fait à soi et aux autres. Thank you, Mary Oliver.

Toi qui l’aimes légère

la neige tombe belle
légère
sous tes yeux qui la voient

un petit dos
de si petites mains
pour un cœur à se faire
et le poids qui a fait
ce que le poids y fait

le repos
et l’errance et le temps
devenus le désir
t’as bu à la rivière
et t’as dormi aussi

on y fait ce qu’il faut

et ce matin devant
la blanche qui tombe lente
belle, que tu te dis
toi qui l’aimes légère

Photo : UNE VILLE À PRENDRE * Rue Laurier, Montréal – Le mont Royal en arrière-plan * Janvier 2019

L’amour qui, peu importe

un réveil déplié
plus ouvert
nos galères sont enterrées
sous bien des neiges folles

on y voit mieux d’ici
le rival du temps
le repli
la seconde perdue

l’amour qui, peu importe
en a valu la peine

et on y entend moins
les rumeurs cyniques
qui grondent loin du jour

la suite sera plus claire
depuis l’eau ou la crête

il est si fort, le souffle
dense et géant
un vent de gamète et de sel
où avancer sans rien

 


Photo : LISIÈRES * Hier, rue Beaubien – Montréal 2019

Ce jour-là

et les pensées dévalent
en rivière autonome

je sors une image
une photo du lot
pour voir

et je joue
transforme
pose les yeux dehors

le soleil flambe sur la neige
feu de rue

les arbres nus
un jour de plus

petits fracas sournois
mais toujours de quoi rire

et puis un café chaud

de quoi sentir
ce jour-là par-dessus les autres

 


Photo : LA TENDRE NONCHALANCE * Hier, rue Laurier – Montréal 2019

Nos belles excuses

est-ce qu’un jour on osera
assez le vent et l’aube
les ciels à perdre pied
et les lieux de tendresse
est-ce qu’on y rêvera ailleurs
que dans l’avide qu’on absout
et le gain
qu’on justifie par tout

Photo : LA DOUCEUR D’UNE FIN DE JOUR * Avenue de Lorimier – Janvier 2019, Montréal

En s’y rappelant le tendre

les notes filent dans le souffle
l’impulsion, la tension

rien n’est stable vraiment
nos déserts sont perméables
le tien, le mien

je sais janvier
qui livre ses rafales
aussi cruel que blanc

et je te sais qui cherches
l’inlassable désir
l’empreinte et le chemin
les dessous du matin
et de l’infatigable vent

les pieds sans te soustraire
aux aléas du jour
à y pleurer quand il le faut

et tout ce temps
on se cale debout
au bord des mêmes heures
sur moins de certitudes
le coeur se pose mieux

c’est en s’y rappelant le tendre
que la neige a trouvé son vent

 


Photo : ENSEMBLE DEBOUT * Il y a deux jours, rue Beaubien – Montréal 2019

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