Par la joue

Dans les petites heures de la nuit,
l’oiseau malmenait le silence.

C’est vrai qu’il est long le chemin.
Celui du vent qui passe.
Et de la rivière, même loin.
Long à s’y prendre le coeur.

Si dans ta barbe tu t’en souviens un peu, dis-moi
est-ce qu’on s’était déjà perdus quand la nuit est venue
est-ce qu’il faisait si noir qu’on ne s’y voyait plus?

L’aube y prend le matin par le vent et le ciel
et moi je te prends par la joue

Dès que je cherche l’heure, le temps part à mes trousses comme un petit voleur.
Je ne forcerai rien dans un sens ni dans l’autre, j’aime trop la rivière pour ça.

Photo : BLANC SOLEIL * Hier, sur la 148 – Petite Nation

La force du tendre

j’aime quand la terre
au printemps
dans les carrés devant
est mouillée par la pluie

le contraste
entre elle et le vert tendre
qui surgit et s’expose

et toi, et nous
cet état de saison
c’est une question d’élan sans doute
après ces rondes folles

Photo : LE CORPS AU VENT  * Hier – Montréal

Le glissant

non je n’ai pas raison
c’est que ma voix qui traine là
à démêler des ombres
des bouts d’insaisissable
et qui joue
ni pour gagner ni pour perdre
mais pour tenir
sur le glissant du monde

Photo : DEPUIS DEHORS, LA BEAUTÉ * Hier – Montréal

Efface et ventriloque

Incendiée, la ville, je crois pas.
Mais t’as raison, elle pourrait l’être.

La neige est revenue sur ses pas.
C’était hier.
Éparse et légère mais quand même,
j’ai voulu t’écrire qu’elle se moque.
Comme toi et tes effacements.

Une chose est claire, je lève moins haut les stores
depuis l’absence de la vigne.

Bien sûr, on pourrait supplier.
Mais devant les îlots, on a tenu le fort.

Et où les vaisseaux sont sanguins,
l’histoire prendra son temps.
Depuis l’âme et encore, c’est
ce qu’elle a de plus payant.

Le vent est ventriloque. Et le ciel, son chien.

Photo : C’ÉTAIT UN AUTRE AVRIL, JOUÉ POUR LA LUMIÈRE * Montréal

Septembre sur avril

Cinq minutes avant qu’elles s’en aillent, j’entendrai des talons.
Puis j’entendrai la porte et les verrai descendre.
Elles marcheront ensemble vers la rue commerciale.

Le vent est doux, mais il est là.
Dans le petit pommier, le vert tendre s’y met.

Plus tard il y aura la rivière.
Et on fera des petits feux.

Sur September en boucle –
la toune de David Sylvian

Photo : ET L’ERRANCE TOUJOURS – Avril 2023 * Montréal

Petit échafaud

Journée grise. Il va mouiller fort
à ce qu’on dit.

Le gars grimpe les marches deux par deux
et lance la circulaire.

Et l’engourdissement qui endure –
dont on ne parle plus sinon pour taper
sur le clou.

Mais le vent décidé et le printemps fidèle.

Photo : LES CHOSES DU DÉSIR – Avril 2023 * Montréal

Petits cadavres

l’hiver qui s’en retourne
en poussières
et la peau et les pieds
qui tendent vers le jour
je m’en viens me dis-tu
pour une symphonie sans orgueil
ou à peine
jouer près des fissures
en sublimant la suite
comme le chien qui a caché un os
sous un tas de papier
ou la femme son mécompte
sous des pans de soie bleue

Photo : DÉSIR PRINTANIER – Avril 2023 * Ruelle de Montréal

Qui sait

si tu me suis
veille à tes pieds
les miens ne voient pas où ils vont –

et dans toute l’alchimie de tout
ils n’en ont rien à faire

l’envolée est entière
et le bleu de fortune

sur tous les milles et la distance
porteuse d’oiseaux de passage –
la vie

plus savante que nous

Photo : IMAGINE ALL THE PEOPLE – Avril 2023 * Montréal

À la pelletée

aucune des oies de passage
ne plongera une aile
dans la boue de ta rue

et d’une enfance à la pelletée
près d’un fleuve tranquille –
ce corps de petits drames

ton café qui sent bon

le temps plie les errances
et charge les poussières –
si lyriques soient-elles

Photo : OBLIQUE – Avril 2023 * Montréal

L’anniversaire

trop nue, tu dis
mais tu veux l’être plus encore

et l’asphalte
inondé de soleil

le bois ressemble à un cheval
et le ciel est franc bleu

on s’en va tout à l’heure
c’est son anniversaire

Photo : L’IMPORTANCE DES CHOSES – Avril 2023 * Montréal

No more posts.