Soleil fou

Tu penses que tu
m’as tuée, mais si ça
se trouve tu m’as sauvé
la vie.

De toute manière, je
sors marcher. Il fait un
soleil fou.

Photo – SOMA ou L’ANGE – Octobre 2025 – Montréal

Singularis

J’ai perdu un vocable et cru me reconnaître dans la fillette de la toile appuyée sur un tronc. Pas celle-ci mais une autre.
C’est toutes ces âmes, me dit Jeanne, ces états de rivière. Et ce même sentiment d’avoir les pieds terreux. Tous ces visages détournés pour n’être vus que par le coeur vivant des feuilles et par le grand corps de septembre qui s’allonge sur octobre sans écraser personne.
L’hiver s’en vient. On aura assez d’heures pour y graver le ventre et se rire du reste. Ce qui libère est plus tendre que la raison. 

Photo – MAUDE ou LA LANGUEUR DE L’AUTOMNE – Septembre 2025 – Montréal

Remedium

Il a été sublime le grand air de septembre. Tous ces moments volés à la bestia, ces ciels beaux à mourir, et les ruelles plus folles chaque année : le meilleur des remèdes contre l’asphyxie provoquée par tous ces parfums qui émanent des arcades mondaines. 
D’ici, tout rebondit chaudement. Les feuilles parlent d’effondrement, de cette ligne ténue qui ne va nulle part.
Et Gaby n’est jamais très loin. Et ses yeux sont restés ouverts.

Photo – SCRUTER L’ÂME – Avant-hier- Montréal 2025

Prémices

Et cette ligne qui ne rejoint rien.
La fillette se lance, elle sautille même, par la fenêtre ouverte on l’entend bien qui chante.
Respire, me dit Laure, la saison nous enveloppe. De ce qui ose à peine et ces temps éclatés, ne prends rien au sens du jour. Le monde ne fait souvent que commencer.

Photo – BRASSÉE D’AUTOMNE – Hier – Montréal 2025

Crosus

L’individuel, c’est la fascination déchirée.
Non pas apaisée : déchirée.
Pascal Quignard


Et les ombres de plus en plus longues.
Mais le froid sait aussi assourdir la peine.
C’en est un pour les oiseaux de ville, le béton et les chats.
Et aussi pour ce creux de saison.
Dans les jours où ça crie, je me demande où s’en va l’ardeur.
Par chance les feuilles, le flux et le reflux.
Le soleil ne ment pas. Ni l’automne non plus.

Photo – BLANCHEUR D’ALBÂTRE OU UN MATIN D’AUTOMNE – Septembre 2025 – Montréal

Les maigres vents

Par chance entre les feuilles, le ciel. Et moi qui coupe dans le gras, mets saison au lieu de raison, voix au lieu de violon, parce que les maigres vents, parce que l’épi roux, parce que quand je perds la saison, au moins je sais où elle se trouve. En plein milieu du temps.

Photo – ENJAMBER LES CONDUITES * Septembre 2025 – Montréal

Suite d’automne

le trottoir est mouillé

et ce bruit de
bateaux montés

j’ai mis une voix de bohème
pour bercer la saison
(je me souviens maintenant
que mon père l’aimait)

une feuille dégringole
sur la chute du jour

quand Cécile est partie
les fleurs ont changé de couleur

en manteau vert et collants rouges
une fille qui bouge comme un héron
se faufile dans l’automne

je ne rapetisserai rien
encore moins les oiseaux

Photo – SLOWLY THROUGH THE CROWD * Septembre 2025 – Montréal

L’air de rien

Dans la cour ce matin, comme un parfum de mer. Je sais, c’est impossible. Sans doute le repas d’hier d’un voisin.
Le vent annonce le changement. En attendant, dans ces heures passées à écrire, même quand mes mots sont plats à force de trop vouloir, c’est le même rien qui me cherche. Ce rien comme dans l’envers du monde, l’envers de l’ambition. Comme le tranquille de la feuille, à l’envers de la guerre, de la société des hommes. Ce rien comme dans mon jardin – qui a l’air fou, diraient certains. 

Photo – L’IMAGE D’UN DÉPART * Septembre 2025 – Montréal

Les vieux silences

entre la fenêtre et la rue
le vert se donne encore

there’s always a change coming

la voisine passe sous le soleil
ses longs cheveux sont blancs

je vois Alice, sa longue tresse
et sa soupe cent fois bouillie

et le beau piano droit
qu’elle ne jouait
que quand elle était seule

Photo – UN TEMPS ET DES POUSSIÈRES * Septembre 2025 – Montréal

Veracus

Onze heures, au parc, le vieux couple.
Des petits mots, des petites phrases. Des fragments d’âme.
La bise viendra, tu dis. Comme dans la fable.

C’est vrai que toujours sous les mots se love un peu de drame.
Que pourrait-il en être d’autre.
Au fond, dis-moi, arrête-t-on jamais de chanter ?

Dehors c’est l’automne. Et c’est à peine si je sais voir.
Vraiment, je ne manque de rien.

Photo – VITRINE DU BOULEVARD SAINT-LAURENT (Atelier Tobin Bélanger) * 19 septembre 2025 – Montréal

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