La même rive, la sueur sous les yeux. Dans l’aube qui s’égrène, une poignée de cailloux et de mèches humaines.
Cette idée de brouiller les jours comme on brouillerait des cartes. Ne savoir ni où on s’en va ni où on en est, n’être nulle part ici. Flotter dans un éther de roses, de sang et d’abstractions. Là où le temps ne trouve plus où passer.
J’aime la forêt et le champ. L’une pour ses profondeurs, l’autre pour sa lumière. Et la rive. La sueur sur les lèvres.
Évidemment, la mer.
Photo : LES DOUX EMMUREMENTS * Juin 2023 – Montréal
Sa fleur est belle pourtant, mais le rosier d’Aberdeen avait grand besoin d’eau.
Je me suis levée ce matin sans trop savoir combien il me reste de soeurs. Je sais seulement qu’il en manque une, qu’elle a quitté l’histoire quelque part sur un coup du temps, entre les larmes et la tendresse.
Et puis le même bruit est monté de la cave. Mais je n’y descends plus. Avec toute la bêtise déjà qui vient salir les pans de l’aube, le rez-de-chaussée me suffit. Son long corridor par exemple. Avec les mêmes toiles, les mêmes photos, les mêmes visages de ma vie. Les mêmes bijoux aussi, accrochés là comme des pièces de musée. Et la minuscule cuisine, d’où je vois le jardin en faisant mon café. Et enfin cette chambre, où je dors et j’écris. D’où j’observe la rue, entre les mots et les silences. Comme là le vent qui souffle dans les feuilles. Et le gars à vélo, qui roule paisiblement. Ce sera une journée différente et pareille à bien d’autres. À moins que tout ne glisse.
Ce même bruit encore. Mais je ne descendrai que si je suis certaine que c’est un coeur qui bat.
Photo : LE VISAGE DU MONSTRE * Rivière du Nord – Juin 2023
Y a même pas un seul quai de gare. Seulement de longs retours de vent avec des nuits qui tombent. C’est dire ce à quoi on s’expose quand le matin s’avance. Un cahier gris aussi sur la table de chevet. À côté d’un crayon de bois. Assez pour que nos finitudes se mettent à ressembler à de grands oiseaux atlantiques. Et au jour qui revient sans mémoire d’hier. Suivant la trace de ce qui meurt pour nous pousser à vivre.