La belle emprise

Parce que j’ai de nouveaux souliers,
j’ai pris une feuille de rosier pour un diachylon.

Le vent l’avait poussée au milieu du salon.

Ce seul et même souffle.
Pour y voir danser mes héros, vêtus de haillons ou de mers.
Autant d’îles et de pluies en successions d’orages.
De pluriels en sillons porteurs de belle brume.
Ou de champs élidés sur de grands désirs de béton.

Longtemps que je rêve du vent.
Qui même dominant ne cherche pas à dire.

Photo : LA MUSIQUE DU CIEL – Septembre 2023 * Montréal

Quelques brèches

C’est vrai, les choses bougent. Sinon je saurais plus quoi dire. Et je pourrais seulement rêver de feuilles rouges et de vent tiède.

J’étais à neuf kilomètres du cheval blanc. Neuf à vol d’oiseau, une douzaine par la route. Pour autant de beauté tranquille. Là où mes bras sont assez bas et où mon corps reste debout.

Au tournant du premier matin, il y a eu cette averse. Elle aurait pu être infinie, ça n’aurait rien changé. Elle tombait dure et froide depuis la rivière, on était mouillés jusqu’aux os. Et nos pas vifs et un silence qui dit la hâte d’être au sec. Au moins mille secondes de trombe qu’on a essuyées avec grâce. D’ailleurs parmi les élégances, je me demande si elle arrive avant ou après la tendresse – sans doute qu’elles dorment ensemble, dans un grand lit de mer.

Et partout ce désir, cette urgence d’écrire. Calmer l’angoisse des tempêtes. Y chercher tant que l’autre cherche. Des mots comme des brèches qui vous arrachent à la bêtise. Et au dernier matin encore, y vouloir le faire dehors malgré le vent qui refroidit et les petites mouches dans l’air qui jouent de terre et de patiences.

Photo : LE SOLEIL DESCENDAIT – Septembre 2023 * Petite Nation

Coupe de saison

encore et toujours le doute – et sans fièvre pour dire
ce vague sentiment d’un chemin sans les pieds

le soleil inonde le trottoir de l’autre côté de la rue –
avec le ciel qu’il fait, il aura traversé quand j’partirai marcher

dans les feuilles basses de l’érable, je lis l’incontournable automne

si j’aiguise autant mon couteau, c’est pour y ciseler le jour /
la vie fait de moi ce qu’elle veut mais il me reste encore en masse
de quoi y buriner les heures –

et t’as raison, je suis naïve – c’est autant de bouts d’horizon
qu’on voit et qu’on voit pas / bien petit carré que le mien,
parcouru de fabulations et de sables mouvants

D’y être démasquée? De toute manière,
y a toujours tellement qui s’achève.

Photo : ET L’HOMME SUR LE PALIER – Septembre 2023 * Montréal

Depuis la rive

J’ai regardé la rose, qui ne s’attend à rien.
Et j’ai pris le matin, et le soir et la nuit. Et aussi les après-midis.

j’évite les éclats de garance, trop rouge pour l’espace dispensé –
je sais, j’aurais pu dériver, descendre d’autres habitudes
que d’y suivre le temps comme on suit une rivière –
y a pareil tout ce qui hésite, comme autant d’oiseaux fous

J’ai senti tomber quelques gouttes en longeant les bouches de lumière.
Je me suis dit que c’était toi, depuis le cimetière.
Et là derrière les grands arbres, le même soleil qui descend.

Photo : ET CE QUI ACHÈVE TOUJOURS – Septembre 2023 * Ruelle de Montréal

L’errance du vent

Et les creux et les plis, tout ça parti d’un coup. 

Si les phrases se sont défaites comme du bois dans la terre noire, il est resté à la surface un long morceau d’écorce en forme de piano. Des chevaux et une aube aussi. C’est sans parler de la musique.

Je continuerai de guetter le retour du vent. En attendant, dans un pays que j’aime, la terre a beaucoup trop tremblé.

Photo : JAMAIS LOIN DANS LA DISTANCE * Avant-hier – Montréal

Samares

J’en ai vu d’autres, me dit-elle. C’est la même chanson, du moins les mêmes notes. 

la pluie s’amène sur l’asphalte et ne prend ni ne retient rien
c’est la musique pour la musique, le noir pour le noir –
et le long du trottoir les samares qui s’entassent

et dans la même immensité, ce refrain de chair à pâté, de rivières
détournées, de seins floués du monde – et toujours la même cour d’école

puis septembre

Photo : CHALEUR & VILLE * Hier – Montréal

Le vent et l’eau

reste, qu’elle dit, ne pars pas, pour moi aussi il faut l’effort je m’ennuie d’un monde à reflet, d’un monde réflexion, de ces âmes plus près de la mienne et ces yeux plongés pour le vrai fais comme le vent et la rivière

nos îles seront ce qu’elles seront
et nos rêves iront où ils vont

pour que l’image du néant y fasse naître l’angoisse, il a suffi de l’aborder au creux d’une nuit déjà longue – naturellement à l’aube, pour les cous en nage et les peaux engourdies, est venu le désir d’oubli
y a rien vraiment qui trop n’y fait, on se desservira encore – la bêtise trouvera ses saisons

Photo : J’ATTENDAIS ANNE SUR UN PALIER * Septembre 2023 – Montréal



Il y a entre la pensée contradictoire et libre et une philosophie systématique la différence qui existe entre l’ivresse et l’ivrognerie. Pierre Reverdy

Les feutres

Autant de choses vagues se mêlent à mon café. Des ronces longent l’ardoise, cherchant la brèche dans l’abîme. Autant de gestes maladroits pour tant de noirceurs et de fleuves.

Le temps ne cède rien, pareil pour la rivière. C’est encore nos terres battues et des poussières dans l’éther. Le fort et le fragile d’un même grand cheval blanc.

Je m’avancerai près du piano à la tombée de l’aube. Mais ce sera un rêve. Couverte de griffures et articulée de travers, je me glisserai entre les feutres pour faire trembler le bois.

Et plus tard la cigale chantera l’été de septembre.

Photo : T’AS CHAUD, TOI ?  * Hier – Montréal

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