D’entre les choses qu’on observe, il y a le souffle salvateur qui vient désengager les lèvres. Les dents aussi. C’est comme le sable, me dis-tu, soumis aux humeurs du vent. Ça tient d’un abandon. Qu’un peu de sel se dépose entre le penchant et la langue.
Mais pour tout dire, j’hésite encore. Le mouvement se défend, mais la vase me séduit.
Quant aux oiseaux, ça fait longtemps qu’ils savent qu’on éventre la marge. Qu’on s’invente des fables qui souvent saturent les veines.
Nous reste les autres artères et autres formes blanches. Des partitions intimes qui ressemblent à la neige. Ma mère m’aura un peu montré, elle qui savait en enfilade couler des jours sans ennui.
Photo : DESSOUS LE MÊME CIEL – 16 février 2024 * Montréal
T’es passé par-dessus le livre. Ou pas. C’est pas grave. Ce ne sont jamais que des perches pour jouer sur l’hiver. Des livres et des lignes, des mots comme des chapeaux pour me rire du temps qu’il fait, inventer le frisson, trouver sur le bout de la langue la preuve que l’espace est un leurre, qu’on vague dans une histoire fabriquée de toutes pièces. De quoi s’amuser à casser au moins un moule par jour.
Et la plante qui s’éclate. J’ai hâte à ce moment où elle sera dehors… l’écureuil freine mon élan en y prenant le sien, et la branche qui oscille comme un fouet sous la voute, et la fille qui marche les yeux sur le trottoir. Ah, le trottoir. Combien d’yeux dessus. Sacré trottoir, va.
Il me reste ce jeu. Celui du sens au pied du jour. Ce sans-boussole vers des espaces volés en douce et en parfaite impunité. Où on ne veut qu’une chanson et toute une musique. Ce bonheur de piqûre qui fait qu’on s’accroche à un fil et qu’on le suit comme on suivrait un chien qui vous reste fidèle. Et puis cette histoire de nom. D’un livre acheté d’occasion l’avant-veille du jour d’ici. La vie toujours plus mystérieuse qu’on ne se l’imagine.
Photo : SOUS LE SOLEIL FUYANT – Montréal * Février 2024
Je tiens, regarde, ce qu’il faut par la queue : des chats du matin, des ombres noires, des rires à se fondre, et de quoi prendre la beauté même dans la neige sale.
Je remets le petit, le rien, le tout, sur le banc d’en arrière, et le pain cuit comme un oiseau qui se cherche une branche. Je les remets, tu vois, exactement là où ils vont.
La nuit d’elle-même s’est avancée. Et je m’entends songer. À nos carafes ébréchées. Cependant qu’on chante et respire les grands airs de l’hiver.
Photo : ET LENTEMENT, L’HIVER – Montréal * 27 Janvier 2024