Même si la neige

C’était le vent.
Et l’aube qui tombait sur ma tête.
Encore des mots de nuit. Sans bruit.
La cruauté. Le dissocié. L’indifférence.
Qu’est-ce que tu nous fais là, tristesse,
à y entrer de tous les bords, 
dans tous les pores de l’époque,
d’où nous arrives-tu.

Par chance la beauté.
Et le soleil dehors, même sur le carton déchiré.
Les bourgeons tiennent le coup.
Même si la neige est repassée.
On aura un été.
Et la beauté qui vient avec.

Photo – ILS SOURIAIENT TRANQUILLEMENT EN ATTENDANT L’AUTOBUS * Hier – Montréal

La même fenêtre

On a eu de la pluie.
Elle était belle et presque chaude.
Et d’y voir revenir la neige.
Quelques flocons d’adieu.

Et le bras de la chaise.
Le bras qui pend.
Cassé.

Ou tous les hauts fonds contournés
au courant de l’hiver.

Ou ma sublime esquive.
Au bord de la même fenêtre. 

Photo – LE VENT ET LES OISEAUX * Avril 2024 – Montréal

Les belles impatiences

Tandis que l’étourneau retrouve les parterres, le vent vient fouetter le matin.
Entre les fleurs jaunes et la rue, une petite voiture bleue que je n’ai jamais vue. Sur le balcon de S traîne encore une pelle, rouge comme un camion de pompier. Peut-être qu’il n’ose pas la ranger.
Dans toute l’impossibilité qui se découpe, il reste des oiseaux, des arbres et des abîmes. La beauté s’est nourrie sans qu’on ait à y faire. Sur une rive ou sur l’autre, le désir persiste, de paresse et d’urgence.
Si le vent arrivait à faire ce qu’il veut de mon corps, tu verrais quelques os éparpillés dans l’aube – des fragments de manques et d’absences. Et un sang vif et impatient, assez pour que monte une sève.
Le jour où j’ai pensé que j’y traçais le paysage, c’était lui qui me dessinait.

Photo – LA PLUME TURQUOISE * Avril 2024 – Montréal


« Je suis, je me le répétais, je suis du côté de l’œuvre. Je crois que le pourquoi et le comment de l’œuvre, si futiles, inutiles et impuissants soient-ils, sont dans l’œuvre où ils sont entièrement montrés. »  Suzanne Jacob

De l’autre côté du dimanche

par la fenêtre

et le soleil et l’escalier
et deux enfants qui parlent ensemble
en regardant la porte

qui attendent-ils ?

lui frappe dans la petite fenêtre
elle tient le grand chien par la laisse

et je les regarde partir
sans qu’on ait répondu

Photo – DANS LE BRUIT DES BATEAUX * Avril 2024 – Montréal

Un même ciel

qu’y a-t-il à gagner
qu’un vent qui passera

et puis à qui le corps, dis-moi
quand dans l’éclat du jour
un même ciel se donne

cette histoire d’enterrer
ce qui revient toujours
ou ma raison de me laisser
porter par ce qui n’attend rien

dans la pluie du printemps
l’errance fait avec

Photo – LES MOUVEMENTS D’UNE AUTRE SAISON * Avril – Montréal 2024

Nos jardins

Les fleurs du forsythia ont fait
ce qu’elles font toujours.
Elles sont sorties avant l’arrivée des feuilles.
Le printemps commence sur un éclat de jaune.
On pourra cueillir des mirages
dans les jardins du monde.

Photo – LA RESSEMBLANCE DES COEURS * Avril – Montréal 2024

L’aube ou la corneille

On ne s’habitue pas
à l’envers de la tendresse.

On se dit que c’est tout pareil,
l’aube ou la corneille.
Que tout meurt et se vit.
Le passé en murmure,
distant comme la vague.

Mais même les poèmes
ne s’écrivent pas tout seuls.

Photo – SUR LE BORD DE LA TRACK * Hier – Montréal

Redresser le vent

je n’ai pas le sang
qu’on me voit

qu’on se le dise quand même

un jour la mort m’arrachera avant tout
les poésies
du ciel et du monde

Photo – CORNEILLE EN TEMPÊTE * Avril – Montréal 2024

Derivare

L’UNE
La verticale, la gravité, et quand même tu boites. Serais-tu à ce point perdu ?
L’AUTRE en faisant un bond de côté
On tient d’écorce et de désir. De ciel et de vent tourloupette.
L’UNE reculant de trois pas
Si le temps existait vraiment, tout ça serait insupportable. Et pareil pour l’espace.
L’AUTRE se voulant immobile
C’est le poids du haut vers le bas et toutes les heures qui s’ensuivent.
L’UNE en revenant vers l’autre
Quoi faire alors de nos âmes à la mer ?
L’AUTRE tandis qu’il flotte à la dérive
Rien d’autre qu’un tapis de neige.
L’UNE en se grattant le doigt
Mais encore ?
L’AUTRE en plongeant la tête sous l’eau
De n’y jamais percer que soi.

Photo – MATIN D’AVRIL *- Aujourd’hui – Montréal 2024

Le corps de l’habitude

La neige a disparu. C’est l’asphalte et les feuilles sèches, et quelques coins de terre brisée pour y laisser monter la suite. On rouvrira bientôt sur la tiédeur de l’air. 

Sur tant de jours d’avant, j’ai erré sans trop d’habitudes. Et là, mes livres empilés. De quoi peindre le temps, jouer sur les ombres du doute, me rassoir dans le cadre flou, et me prêter au vent venant comme un chien aux accoutumances.

En attendant quand même, on dirait bien que j’ai failli à ta demande. C’est peut-être mon âme qui se hasarde mieux au chevet des saisons.

Photo – AU PAS DES JOURS – Mars 2024 * Montréal

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