La caresse du temps

par chance les mots
qui étaient beaux d’eux-mêmes
il y a longtemps déjà

quand bien même muettes
la lumière et la brise dans le ciel qui se penche

je ne suis pas rosier – mais j’aime

et la fusion (peut-être)
qui s’écrit en vacarme avant d’être aspirée

tout se sent

après vient la délicatesse
les grands bras de l’amour

son empreinte

ne reste plus qu’à convier la caresse –
celle du temps qui sait

et nos âmes
cambrées jusqu’au coulant du fleuve

·


Photo : SOUFFLE TENDRE * Juillet 2021 – Laurentides

Discrète pesanteur

devant l’autre qui pointe le chemin soi-disant
viennent les étriers de l’âme

et la beauté, t’en fais quoi?
rien je dis, rien
il n’y a rien à en faire

mon pelage est vieux rose
et l’autre est de circonstance
le bleu donné à voir
est ma plus belle errance

je me veux pesante mais discrète
à pied dans la tempête

la lumière de ma robe noire
dans une rivière de boue

seulement debout le temps d’y être

et quand je m’assois en hiver
le destin en brindilles revient me faire cortège

Photo : LONGITUDE * Juillet 2021 – Montréal

Des oiseaux par milliers

On ne mènera pas de rivières.
Et te dire comme une promesse
que sur les galets noirs, il tombe encore
des neiges d’été.

On se sort de la fange comme si
de rien n’était; le monde s’est habitué
à ses boues délétères.

En attendant, il naît des oiseaux par milliers,
loin des volées marchandes.

Photo : SUR MON CHEMIN D’HIER * Juillet 2021

Menthe et poésie

Lou entre dans la cuisine, les bras remplis de menthe.
– J’en ai déraciné beaucoup. Les grandes marguerites étouffaient.
Assis près de la fenêtre, Charles lève les yeux de son livre.
– T’as bien fait.
Lou dépose son butin sur le comptoir, en détache un brin et va s’assoir près de lui.
– Tell me, my love, j’ai trouvé a piece of paper yesterday où t’avais griffonné « quand le jeu aura perdu sa poésie, on cessera de jouer ». À quoi tu pensais quand t’as écrit ça?
– Au poids des choses, même les belles. À mon rêve parfois d’un sac presque vide et d’une route qui ne va nulle part.
– Sans jardin ni parfum de menthe?
– Voilà l’impasse, dans toute sa poésie.

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Photo : BORD DE FENÊTRE * Ce matin

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