Déjà là

la neige, les feuilles
et cette terre humide
déjà là le miracle pourrait bien
nous suffire

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Photo : ET UNE HISTOIRE DE COEURS * Décembre 2021 – Montréal

L’image d’une saison

Nos voix gelées d’entre les glaces. Et ces accords plaqués avec tellement de grâce. C’est tout l’obscur et la bascule. Et de s’y retrouver perdus, perchés en balançoire. C’est presque assez, tu dis, pour  étourdir décembre.
Je me vois moins qu’avant sans doute. Mes yeux qui errent si souvent dans le sens du ciel – les planchers d’oiseaux et d’envol, et les trous d’horizon.
Le vent s’est donné fort hier. Dans toute sa tiédeur invisible, sans promesse que celle du froid.
Pendant ce temps, la plus belle m’est l’image d’une saison qui passera. Après celle des enfants qui jouent.

Photo : DEBOUT DANS L’EAU BLANCHE * Décembre 2021 – Montréal

La cohérence du violoncelle

Des notes longues, liées entre elles.
Une suite de tendre, pour éclairer des coins
de mon matin, chasser les idées un peu noires.

Bach et Yo-Yo Ma. À l’envers de l’incohérence.

J’y regarde l’immense nid de l’autre côté de la rue,
dans l’un de ces érables que je ne voyais pas
du temps de l’autre.

Je connais quand même ma chance. Pareil
pour ma tristesse. Je ne vivrais pas sans
la lune. Ni sans la nuit non plus.

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Photo : LE CORPS DANS LE RÊVE * Décembre 2021 – Montréal

Sur un baiser

sur un baiser du temps
et le temps d’un baiser
asseoir la tendresse
jusqu’à l’ombre qui passe

J’y retournerai.
Où exactement, je ne sais pas.
Mais je reconnaîtrai.

Cette chose qui m’échappe.
Ça doit avoir un nom.
Mais je ne me souviens plus.

Suffira d’une poussée sans doute.
Ou d’un souffle de vent.
De ceux qui refroidissent l’air, ou le réchauffent.
Et qui donnent à la peau juste ce qu’elle attend.

Le lieu. Le mot. La douceur. C’est pareil.
De ces choses qu’on perd.
Et qu’on retrouve, quelque part en chemin.

Photo : L’INVISIBLE VENT * Décembre 2021 – Montréal

Hauts clochers

la couleur franche du
ciel gelé, et cette lumière sur le tronc –
l’hiver passera comme il le fait

dans les hauts clochers
de la ville, près des antennes cellulaires – 
des oiseaux se mettent déjà
à l’abri des grands vents

et au coeur du délire, les mots qui réchauffent
ces morceaux de moi qui ont froid

Photo : LE PERCEPTIBLE * Décembre 2021 – Montréal

L’esquisse et le butin

La fenêtre est là. Pour qui aime la fuite.
Regardes-y depuis l’esquisse.
Dans tous les désirs hasardés, les secrets bien gardés.
Aujourd’hui comme demain, ça restera insoutenable.
Tu as perdu l’eau et le lac, il faudra trouver autre chose.
Et tu trouveras autre chose.

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Hier après-midi. Assise sur le banc du piano,
j’en jouais du bout des doigts pendant qu’il préparait la chose.
J’avais trouvé la gamme, je suivais la musique.
Deux gars debout à côté de moi attendaient leur café.
Une jeune femme qui venait d’entrer parcourait le menu.
D’en arrière du comptoir, il a chanté mon nom.
J’avais payé déjà. On s’est dit bonne journée.
Je suis repartie au soleil, avec mon butin chaud.

À mesure des années, j’observe l’enchantement.
Et je le vois qui glisse in and out of me.
Faire face et faire l’amour.
Aussi loin que possible des lits préfabriqués.
C’est de ça surtout que je rêve.
Errer au ras les vagues. Sans trop jamais couler.

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Photo : ROSE NOIR * Novembre 2021 – Montréal

Et le fébrile qui vient avec


Je peux faire sur noir. Des lettres blanches. Après, je verrai. Une chose est déjà certaine, ce n’est pas mon premier mensonge. Ni à moi ni aux autres.

Le temps qu’on met. À voir l’orgueil et la blessure.

J’observe les feuilles des érables, le vent dans les cimes. J’ai la distance nécessaire pour voir les membres, le corps tout entier. Et le fébrile qui vient avec.

En attendant tu bouges, et j’en perds le rire dans l’image. Arrête un peu que je t’admire. Il n’y a jamais eu de promesse, ni là ni avant. C’était toujours à prendre. Ou à laisser.

Ça s’entend fort quand on regarde.


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Oeuvre cyanotype de Summer Mei Ling Lee
(détail)

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