Les autres, bien sûr. Mais je m’exaspère moi-même.
– On a l’intelligence qu’on a, dit-elle. Et ton regard sur la sienne en dit long sur la tienne. Pour l’âcre et le piquant, le doux est mièvre en sa substance. Va ton parfum, veux-tu, et laisse aller le sien.
L’arbre est là, sans mots, même derrière le mur. Et derrière les saisons, quelque chose s’étire. L’image d’une plaine.
Certains diraient que c’est étrange, tant ça ramène au bleu et au blanc de l’hiver. Le soleil qui arrache l’ombre même de l’ombre. Où règnent les oiseaux. Et les renards en fuite.
Quelque chose appelle le large. Ou un désert. Un état d’amour vaste.
Vraiment qui sait. Non mais. Déjà qu’après, ça vaudra plus la peine. Ou bien peut-être.
Piocher dans la texture. Le doute, le flou. Depuis l’étrange même, malgré tout ce qui bouge.
La jardinière y pend, accrochée au balcon. Pas la femme, le pot. De là elle entrevoit les prémices de l’aube.
C’est l’orangé tout près du jaune. Des fleurs. Au fond qui sait.
Non mais. D’ici, ça reste encore des ombres étalées sur l’asphalte. Ou le trottoir. Parfois c’est des nuages. Et d’autres fois, des gens. À vélo ou à pied. Eux et pas les nuages.
Et puis n’oublie pas qu’en attendant je me souviens. D’un soir venu au monde. Tout bleu tout ciel.
Photo : LE JOUR RESTÉ POSSIBLE – Rue Saint-Laurent, Montréal
On racontera qu’on se trouvait sur un très long rocher. Et qu’on s’est dit allons plus loin, dans les beaux draps de cette histoire. On y verra des morts, les tiens et les miens pris ensemble, et des âmes semées comme nos amours de chaque côté – de quoi ouvrir l’espace pour puiser aux abîmes et aux vents du désir. On pourra aussi dire qu’on s’est conté le bleu là où il n’était pas, et le rouge, là où l’ombre montait.