Le fard & la corneille

C’est autant d’âmes qui se colletaillent
entre des marges qu’elles veulent vides.
Et moi qui n’aime que l’errance.

Noire. Noire. Noire.
Pas plus que bleu.
Alors pourquoi?

J’ai marché plus tôt aujourd’hui
pour me sortir de moi.
Disparaître un peu de l’histoire.

Si tu voyais ce que je sème
ailleurs que dans le vent.
Non mais vraiment.
Toute la moelle consumée
par le fard du monde.

Par chance toujours et quand même,
y’a quelque part une corneille.

Photo : PARFOIS MA VILLE EST UN BEL OISEAU NOIR * Hier – Montréal

Continuité

encore les lignes sur le trottoir
c’est l’ombre, et la fille qui traverse

le bleu du ciel est si mat au printemps
contre le vert des fleurs d’érable

je me souviens de l’an dernier
et des autres d’avant

c’est longtemps dans la même maison
moi qui suivais le vent

et l’oiseau qui s’accroche
au petit bout de mur

et l’autre qui le rejoint

le voisin plantera du vivant
il a fait arracher la brique
qui servait de terrasse avant

et un gars passe
son café à la main

Photo : MA VILLE FAITE DE DÉSIR * Mai 2023 – Montréal

Un beau dimanche de mai

c’est cette manière
peut-être
de refermer la porte et
tirer le rideau
j’ai pris ton corps
pour le mien

le baiser est tombé
le long d’une cicatrice –
on pourrait parler
de tendresse
la tienne, la mienne

collé au flou et à l’errance
tout reste réversible
sauf les talons de mes souliers

Photo : ET LES FLEURS ET LES FILLES * Mai 2023 – Montréal

Au simple fil

l’asphalte est mouillé
et les érables sont en fleurs

là où les clowns opinent
le tendre passe son chemin

je pense à toi qui
savais rire
même des diseurs de bêtises

et qui aimais les mots écrits
sur les bancs de saison

Photo : MA VILLE EST UN VENT DE PRINTEMPS * Hier – Montréal

Rainy Morning

et les granges
les vieilles
qui laissent faire le vent

et là sur un brouillon
mille fois la rivière

depuis que je ne t’y vois plus
ma vie compte un amour de moins

mais ça ne reste rien
qu’une petite fin du monde

Photo : MES BONHEURS DE DÉROUTE * Sur la 148 – Petite Nation – Avril 2023


« Libre, il n’est que libre, au cœur de sa prison. Ni compromis, ni compromettant, il se sauve en avant sans vraiment fuir quoi que ce soit, sinon l’essentiel, l’ennui et l’insignifiance. » Serge Bouchard

Par la joue

Dans les petites heures de la nuit,
l’oiseau malmenait le silence.

C’est vrai qu’il est long le chemin.
Celui du vent qui passe.
Et de la rivière, même loin.
Long à s’y prendre le coeur.

Si dans ta barbe tu t’en souviens un peu, dis-moi
est-ce qu’on s’était déjà perdus quand la nuit est venue
est-ce qu’il faisait si noir qu’on ne s’y voyait plus?

L’aube y prend le matin par le vent et le ciel
et moi je te prends par la joue

Dès que je cherche l’heure, le temps part à mes trousses comme un petit voleur.
Je ne forcerai rien dans un sens ni dans l’autre, j’aime trop la rivière pour ça.

Photo : BLANC SOLEIL * Hier, sur la 148 – Petite Nation

La force du tendre

j’aime quand la terre
au printemps
dans les carrés devant
est mouillée par la pluie

le contraste
entre elle et le vert tendre
qui surgit et s’expose

et toi, et nous
cet état de saison
c’est une question d’élan sans doute
après ces rondes folles

Photo : LE CORPS AU VENT  * Hier – Montréal

Le glissant

non je n’ai pas raison
c’est que ma voix qui traine là
à démêler des ombres
des bouts d’insaisissable
et qui joue
ni pour gagner ni pour perdre
mais pour tenir
sur le glissant du monde

Photo : DEPUIS DEHORS, LA BEAUTÉ * Hier – Montréal

Efface et ventriloque

Incendiée, la ville, je crois pas.
Mais t’as raison, elle pourrait l’être.

La neige est revenue sur ses pas.
C’était hier.
Éparse et légère mais quand même,
j’ai voulu t’écrire qu’elle se moque.
Comme toi et tes effacements.

Une chose est claire, je lève moins haut les stores
depuis l’absence de la vigne.

Bien sûr, on pourrait supplier.
Mais devant les îlots, on a tenu le fort.

Et où les vaisseaux sont sanguins,
l’histoire prendra son temps.
Depuis l’âme et encore, c’est
ce qu’elle a de plus payant.

Le vent est ventriloque. Et le ciel, son chien.

Photo : C’ÉTAIT UN AUTRE AVRIL, JOUÉ POUR LA LUMIÈRE * Montréal

Septembre sur avril

Cinq minutes avant qu’elles s’en aillent, j’entendrai des talons.
Puis j’entendrai la porte et les verrai descendre.
Elles marcheront ensemble vers la rue commerciale.

Le vent est doux, mais il est là.
Dans le petit pommier, le vert tendre s’y met.

Plus tard il y aura la rivière.
Et on fera des petits feux.

Sur September en boucle –
la toune de David Sylvian

Photo : ET L’ERRANCE TOUJOURS – Avril 2023 * Montréal

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